Propositions d'écriture

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Odeur de l'autre

Présentation

L'odeur de l'autre

Excepté le célèbre roman Le Parfum (de Süskind), peu d’écrits traitent avec justesse du parfum, de l’odeur. Il semble que ce soit en littérature un écueil. Colette elle-même, cherchant à définir l’odeur d’une fleur, dira dans une sorte d’impuissance : « La pivoine sent la pivoine, c’est-à-dire le hanneton ! »
Le texte-exemple de Marie Rouanet, ci-dessous, me semble intéressant parce qu’il s’approche assez près du sujet.

À votre tour, écrivez sur une odeur — celle de l’autre, celle de la nature, celle que vous voudrez — mais rendez-vous compte que l’odorat est peut-être le sens le plus intime qui soit, justement parce qu’il est difficile de raconter une odeur sans raconter l’histoire, la scène, le lieu ou le corps qui l’a générée, sans avoir recours au symbole, à la comparaison, à la profusion d’images.
Forme libre : une fiction courte, une anamnèse, une nouvelle, un court récit…

Souvenez-vous surtout que la proposition d’écriture n’est qu’un tremplin et non pas un mur ni une obligation.
Bon travail & belle évasion !



Extrait

« Ce fut le dimanche matin, vers mes neuf ans, que m’arriva dans le demi-sommeil de l’aube ce signe de la différence des hommes.
Mon père entrait doucement dans la chambre où je dormais avec ma sœur, se penchait vers moi et m’embrassait légèrement pour ne pas me réveiller. Et l’odeur me submergeait. Je ne savais ni la nommer ni l’analyser mais je la reconnaissais. C’était celle de sa veste de chasse, de son passe-montagne de laine, de tous ces vêtements de toile épaisse, usés et délavés qu’il portait de dimanche en dimanche d’automne et d’hiver, de l’ouverture à la fermeture, sans qu’entre-temps ils fussent lavés.
(…)
J’aimais chacune de ces odeurs. Pourtant je n’en aurais pas voulu pour moi, mais je les aimais au point de les chercher sur la veste de grosse toile usée quand j’ouvrais la penderie. Car, cette odeur-là, je la plaçais au-dessus de toutes, elle était de loin la plus excitante. Un des premiers hommes dont je tombai amoureuse était toujours vêtu de velours et sentait le matin de chasse. Peut-être n’était-il pas très soigné. J’eus l’imprudence de lui dire — c’était de ma part un compliment mais il ne pouvait le savoir — qu’il m’évoquait le « lapin de campagne ». C’est peut-être à cause de cela qu’il y eut entre nous ce grand froid qui précéda un ratage définitif. »

Du côté des hommes de Marie Rouanet (Albin Michel, 2001)