Propositions d'écriture

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Enfances choisies

Présentation

Est-il vraiment plus facile d'écrire l'enfance des autres ?


"Enfances choisies", par Gilbert Lascault
in Petite tétralogie du fallacieux, Christian Bourgois Editeur

La mèche de cheveux
27 novembre 1773. Onze heures du matin.
Joachim Murat, 6 ans

L’oncle de Joachim sent sa mort prochaine. Il fait venir l’enfant. Puis il écarte les indiscrets. Il veut parler seul à seul avec son neveu qui s’agenouille auprès de son lit. Joachim ne comprend pas les paroles du moribond qui tousse et bave. Le vieillard pose sa main décharnée sur la tête de l’enfant. Brusquement il hoquette. Ses doigts se crispent sur une mèche de cheveux. Joachim hurle. La servante accourt. Son maître est mort. Avec des ciseaux, elle coupe les cheveux que le mort ne veut pas lâcher. Joachim court vers l’auberge de son père. Il s’asseoit et pleure, la joue contre le bois d’une table mal lavée.

Le tricot de la grand-mère

7 décembre 1885. Dix heures du matin.
Albert Einstein, 6 ans

Albert est chez sa grand-mère. Il joue sur le tapis du salon. Il s’efforce de ne pas faire de bruit, de ne rien déranger. Les fauteuils sont couverts de housses roses. Assise sur un tabouret, la grand-mère tricote des chaussettes grises qu’elle destine aux pauvres. Albert lui demande si elle l’aime. Elle lui répond qu’elle n’aime que Dieu.

Le plat d’ongles
23 février 1628. Sept heures du soir.
Louis II de Bourbon, quatrième prince de Condé, 7 ans.

Malgré les fréquentes admonestations de son précepteur, malgré les remarques ironiques de son père, Louis se ronge les ongles. Sa mère réunit les domestiques, leur demande de se couper les ongles. Elle les recueille. Ils sont servis à Louis dans une assiette en argent. Au sommet du tas, les ongles de la famille sont reconnaissables. La mère de Louis les a peints en vert.

L’exposition
11 avril 1755. Trois heures de l’après-midi.
Francisco de Goya y Lucientes, 9 ans

Avec son oncle, Francisco a visité des grottes. Ils ont trouvé treize petites boules, faites d’os et de poils agglomérés. L’oncle a raconté que certains oiseaux de proie avalent des rongeurs, puis crachent ces sortes de boules faites de déchets d’animaux. Francisco a mis les boules dans un sac et les a ramenées à la maison. Il les a déposées et collées dans une caisse en bois fermée à clé. Sur des étiquettes, il a inscrit, d’une grande écriture inclinée, le nom des rongeurs tués. Pour avoir le droit de regarder l’exposition, ses camarades lui donnent des billes et des sucreries.