Billets du lever

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Comment tracer son mince chemin stoïcien ?

Présentation

Je suis en train de trier un monceau de notes de lecture éparses, crayonnées, non rédigées et non datées, parfois tellement fébriles qu'il m'est très difficile de rendre à César. Ainsi des quelques phrases que je recopie ici (avec moult guillemets). Je viens de les découvrir, manuscrites par mon propre corps, indubitablement, mais avec l'impression évidente que ça ne peut pas être de moi, c'est impossible, parce que si je vivais assez intensément, avec assez de recul pour pouvoir écrire et surtout penser ainsi, je ne serais pas cette…, je ne ferais pas ces…, je ne craindrais pas tant la… je ne déplorerais pas les… D'ailleurs plus j'y pense, plus je me dis que c'est évidemment du Deleuze…     

"Nous vivons entre deux dangers : l’éternel gémissement de notre corps, qui trouve toujours un corps acéré qui le coupe, un corps trop gros qui le pénètre et l’étouffe, un corps indigeste qui l’empoisonne, un meuble qui le cogne, un microbe qui lui fait un bouton ; mais aussi l’histrionisme de ceux qui miment un événement pur et le transforment en fantasme, et qui chantent l’angoisse, la finitude et la castration. Il faut arriver à « dresser parmi les hommes et les œuvres leur être d’avant l’amertume ». Entre les cris de la douleur physique et les chants de la souffrance métaphysique, comment tracer son mince chemin stoïcien, qui consiste à être digne de ce qui arrive, à dégager quelque chose de gai et d’amoureux dans ce qui arrive, une lueur, une rencontre, un événement, une vitesse, un devenir ? « A mon goût de la mort, qui était faillite de la volonté, je substituerai une envie de mourir qui soit l’apothéose de la volonté. » A mon envie abjecte d’être aimé, je substituerai une puissance d’aimer : non pas une volonté absurde d’aimer n’importe qui n’importe quoi, non pas s’identifier à l’univers, mais dégager le pur événement qui m’unit à ceux que j’aime, et qui ne m’attendent pas plus que je ne les attends, puisque seul l’événement nous attend."
 
6 février 2012