Enfance

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Histoires de cirque
Régine Detambel
Histoires de cirque
Lito

Date de parution : 2007
Ouvrage collectif
ISBN : 978-2244417370
96 pages

13 €
Présentation

Histoires de cirque, par Yann Autret, François David, Olivier Lhote, Jean Molla, Kochka, Régine Detambel, Marie-Florence Ehret, Edith Soonckindt, Lito, 2007.

Présentation de l'éditeur
Le grand chapiteau rouge et jaune s'est installé. Sous les yeux ébahis des grands et des petits, neuf numéros époustouflants vont se succéder : un dragon cracheur de feu, une écuyère tsigane, une femme à barbe blonde, un éléphant qui marche sur un fil, un dompteur timide, un magicien étourdi, un trampoline magique, un apprenti funambule, et un lanceur de couteaux. Approchez mesdames et messieurs, le spectacle va commencer.

Extrait
Naissance d'un funambule
J’ai toujours adoré les tigres et le clown musical, qui est capable de jouer une symphonie de Beethoven avec une pompe à vélo. Mais aux acrobaties aériennes, je préfère les dresseurs de chevaux et les dompteurs d’éléphants.
Je croque une pomme d’amour. Maman suce des berlingots de toutes les couleurs. Papa déroule un mètre de réglisse.
Une funambule à grande hauteur vient de pénétrer sur la piste. Son justaucorps bleu révèle sa musculature. Les jambes à l’équerre, elle escalade avec grâce une interminable échelle de corde qui la conduira au sommet du chapiteau, presque dans les étoiles. L’ascension semble infinie. Mes doigts picotent. Je sens mon estomac se rebeller.
Je n’ai jamais avoué à papa et maman que j’ai le vertige. Je n’ai peur ni du noir ni des araignées mais, au cirque, devant les funambules à grande hauteur, qui évoluent à plus de sept mètres du sol, mes mains deviennent moites et je dois fermer les yeux.

Maintenant la funambule effectue une série de sauts à pieds joints. Le fil de fer s’agite en vibrant.
– Il paraît qu’en utilisant les lignes à haute tension, un funambule pourrait traverser la France de long en large sans mettre pied à terre, dit maman.
Là-haut, la danseuse vient d’effectuer un double salto arrière. Elle a pris son élan en faisant balancer le fil si fort que mon cœur bat la chamade. J’ai posé mes deux mains sur mes yeux, comme un bandeau.
– Trop de lumière, dis-je en geignant. Je suis juste dans la trajectoire des projecteurs.
– C’est vrai, dit maman, ils n’ont pas lésiné sur les kilowatts ! Et quelle chaleur !
Je desserre un peu les doigts. Ça y est, je revois les paillettes du justaucorps bleu. Ce que je vois me coupe le souffle. Je blêmis. Je me rapetisse sur mon siège. La funambule est montée sur un monocycle. Son balancier oscille dangereusement.
– Hé, dit papa, cet engin fait bien sept mètres de long et quinze kilos. J’espère qu’elle le tient solidement !
– Tu vas lui porter la poisse, chuchote maman, un doigt sur les lèvres, pour qu’il se taise.

Le vélo monocycle est abandonné sur la plate-forme. De nouveau des bonds, des sauts, une danse composée de courbettes et de sauts périlleux. Le fil de fer chante.
– C’est la première fois que je vois une danseuse marcher sur un fil avec des échasses. Jusqu’où les artistes iront-ils dans leur défi à l’équilibre ? demande papa.
Moi, je garde les yeux clos le plus possible. Au rang juste derrière moi, une petite fille, bouche bée, scrute le ciel du chapiteau avec autant d’attention que si elle était elle-même funambule et perchée ce soir-là près de la danseuse pailletée.
La petite fille remarque que je me tourne souvent vers elle. À force elle me sourit et me demande :
– C’est vrai que les funambules, quand ils marchent par terre, ils se font toujours des entorses ?
– Peut-être bien…
– Pourquoi tu me regardes moi et pas elle ?