Un peu de théorie

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Spirites

Présentation

Phrases sorties du songe, y semblant parfaitement belles et significatives. Comme la pierre philosophale de la poésie. Mais une fois ramenée au jour…
Le rêve, ouverture de trappes intérieures, voyage dans l’épaisseur des choses, invasion de qualité, que les Surréalistes désignaient sur la trace de Freud comme la voie royale vers l’inconscient, a été définie par Breton comme « la seule Muse qu’il nous soit donné de connaître. »
Sigmund Freud désirait ardemment savoir d'où le créateur littéraire (qu’il nomme « personnalité à part ») tire ses thèmes et comment il réussit à nous secouer d’émotions dont nous ne nous serions pas crus capables. D’un jeu d’enfant ? Ou bien de ses rêves ?
L’écrivain cherche en rêvant. Il va ainsi, ne sachant ce qui l’habite, assistant lui-même à ce qu’il produit, à ce qu’ils ne sait pas même nommer, mais indiquer seulement par quelques mots imprécis : l’inconnu, l’harmonie, la poésie, la source, en tout cas le premier moteur. Pour Hemingway, une eau mystérieuse qui le fera produire et ronronner comme une noria : « J’ai appris à ne jamais tarir le puits de mon inspiration, à toujours m’arrêter quand il restait un peu d’eau au fond et à laisser sa source le remplir pendant la nuit. »
Rêver, rêvasser. Puis il arrive que quelque chose de plus profond, par la suite, vous vienne à l’esprit. Rêvasser, c’est écrire des nouvelles pour se reposer d’un roman, de ce livre qui nous a placés comme au bord d’un précipice pour suivre l’appel de… ce qu’on ne sait ni ne peut nommer, un appel qui ne dit que lui-même et rien d’autre que lui-même. Ces rêveries servent à libérer la matière silencieuse de l’inspiration, une matière bien plus ample que les mots, à laquelle s’ajoute tout ce que chacun contient, et connais… ou non, mais porte en soi, plus ou moins grand, plus ou moins vaste. Des ces rêveries métalliques, l’écriture tombe et rayonne, si ça réussit. Chaque image du rêve est un petit choc, un éblouissement furtif, à fixer par l’activité solitaire et scripturaire qui lui succèdera, pour ne pas le laisser périr. L’aptitude à recevoir des chocs fait l’écrivain. Je suis peut-être une sorte de fragile et remuant foyer auquel touchent les rêves. La page figure ce déclic enregistrable, cette fêlure organisatrice. Dormeuse nourrie de nos rêves, de la boue fertile des mythes, et qui finissent un jour par se laisser toucher par un songe de mémoire… Se bien garder de confondre rêve et songe. Le rêve appartient à la spirale de l’inconscient, mais le songe, lui, est parole pour l’âme. Le rêve vient de nous et va vers Freud, tandis que le songe est le chant venu du dehors, dont nous ne savons rien, ce qui possédait la Pythie, qui entre en nous, le savoir des Muses, en mille morceaux.
Chez Hugo, par exemple, qui donc tire les ficelles de la marionnette ? Qui va changer la vie ? Qui lui permet de capter les eaux souterraines avec cette régularité ? Qui lui offre ces scandaleux trésors qu’il a le sentiment d’arracher aux abysses ? Est-ce sa formidable puissance imaginative ? Est-ce Dieu, ou le spirite ?
Si les spirites n’ont produit qu’une fort désolante littérature, en revanche on leur doit nombre d’œuvres graphiques et picturales remarquables, dont plusieurs presque complètement abstraites (celles des artistes naïfs Joseph Crépin ou Augustin Lesage…). La toile se peint entre leurs mains comme s’ils étaient de simples intermédiaires, d’humbles instruments des esprits, subissant la dictée de la pensée d’un autre. Hector Hyppolite ou Saint-Brice, prêtres vaudous, donnèrent des tableaux « visités ». Le peintre peint parce qu’il est chevauché, et peint ce que veut le loa… Et puisque cette oeuvre est la volonté d’expression du loa, ces peintres ne signent pas leurs toiles et ne leur donnent pas de titre. Ces tableaux ne sont pas non plus destinés à la vente. Il est arrivé souvent que les loa trouvent quelquefois en se jouant ce que l’art occidental, depuis des années, cherchait avec fureur.