Corps écrit

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Chrétien (Jean-Louis) > De la fatigue (1996)
Fatigue du corps, lassitude de l’âme

Présentation

Jean-Louis Chrétien, De la fatigue, Collection « Philosophie », Minuit, 1996.

Résumé
La fatigue forme un phénomène fondamental de l’existence. Elle met en effet en jeu le rapport de l’homme à ses œuvres et à son corps, au temps et à la mort, au sens et à l’être. L’histoire de la pensée l’atteste qui, des Grecs à la philosophie contemporaine, en passant par le judaïsme et le christianisme, n’a cessé de la méditer. Ce livre décrit ses multiples manifestations, et les enjeux dont elle est lourde. Mais s’agit-il toujours de la même fatigue, ou a-t-elle une histoire, si ce n’est un destin ? L’histoire de la fatigue n’est-elle pas l’histoire du corps ?

Table des matières
Introduction : Le clair-obscur de la fatigue – I. Le témoin absent – Il. Fatigue et lassitude – III. Sartre et les deux marcheurs – IV. Aristote et les intermittences de la contemplation – V. Le labeur de penser – VI. Plotin et le corps de fatigue – VII. Vieillesse de la terre – VIII. Jésus près du puits de Jacob – IX. De l’inlassable Dieu à l’effort lumineux – X. Premières vacances – XI. L’acédie, de saint Jean Cassien à Simone Weil – XII. Mort et résurrection de Stéphane Mallarmé – XIII. Paroles lasses, de Laforgue à Pessoa – XIV. Les bilans de la psychothérapie – XV. Emmanuel Levinas et la fatigue d’être – XVI. Friedrich Nietzsche et la grande fatigue – Conclusion : L’amour infatigable – Index des auteurs étudiés.

Extrait
"De la fatigue, de l’une ou l’autre de ses multiples formes, quotidiennement chacun de nous fait l’épreuve, et, dans cette épreuve immémorialement familière, nous nous sommes toujours déjà trouvés, ou perdus, depuis que nous sommes au monde. Qui vient au jour est aussi venu à cette opacité. Elle fait sans commencement assignable partie du tissu de notre vie et peut accompagner chacune de nos activités. Même un insolite épuisement qui par son intensité ou son poids nous inquiète n’apparaît que sur le fond de fatigues déjà vécues. Solidaire de notre condition de vivants et d’hommes, cette fatigue se donne tout d’abord à la fois comme indivise et comme indéfiniment variée. Indivise, et lourde de la charge de tout notre être, car si des analyses philosophiques peuvent distinguer, voire opposer, une fatigue du corps et une lassitude de l’âme, il n’est pas pour nous d’abord de fatigue, si spirituelle qu’elle soit, qui ne pèse sur nos gestes, nos pas et nos regards, ni d’effort physique qui ne nous plonge en quelque lenteur ou stupeur, même ténue. Indéfiniment variée, car si la fatigue se tient à l’horizon de toute activité prolongée, et de toute inactivité aussi, puisqu’on peut se fatiguer de ne rien faire, ce qui chaque fois la suscite et la produit lui confère une tonalité particulière. À chaque acte sa fatigue propre. Et cette variété des formes de la fatigue ne fait que s’accroître du fait que les modalités d’un acte et le rapport que nous avons à lui déterminent et spécifient encore la nature de la fatigue par lui provoquée."

Mes notes chaotiques, après une lecture subjective et fébrile
Fatigue de l’imagination. Intermittences de la pensée = intermittences du corps pensant.
Ch vieillesse Chrétien : le labeur de penser p. 47 Chrétien Fatigue
La philo grecque voit dans la pensée ce qu’il y a de plus étranger au travail car la pensée relève de la vie de loisirs. Skholé, dont elle est l’œuvre la plus haute.
(ici mettre citation de La Bruyère, appeler travailler ce qui est lire…)
Rép. Platon : La philo est pour qui aime la peine ++, « ne boite pas dans son goût de l’effort », « quelqu’un qui ait de la mémoire, qui soit infatigable, et qui ait du goût pour toutes sortes d’efforts »
p. 48 Gilson : « La fonction normale de l’esprit est de penser, non d’imaginer, », l’usage de l’inspiration entraîne donc une fatigue.
L’esprit serait infatigable si nous n’étions unis à un corps, si nous étions un corps, seul l’appel au corps fatigue.
Rompant avec la philo grecque, Malebranche fait de la pensée un travail : « L’homme doit travailler de l’esprit pour gagner la vie de l’esprit, c’est une nécessité absolue. » « Faire usage de sa liberté autant qu’on le peut. » Pour Malebranche, la liberté est une faculté qui s’accroît par l’usage même qu’on en fait. « Qui use de sa liberté ne l’use pas, mais l’accroît et la renforce, elle rajeunit par son exercice même ». et qui se plaint de n’être pas assez libre laisse sa liberté en jachère. Lutter contre la fatigue, s’exercer à la surmonter, c’est devenir meilleur, plus clair et plus fort.
Le combat contre la fatigue = réparation qui nous transforme. On ne travail jamais en vain pour être plus libre. La force est de supporter et de continuer le travail de l’attention.
Fatigatus non lassatur.
Affronter la fatigue = faire l’épreuve d’un désir infatigable.

Fatigue (à mettre avec les INFATIGABLES)
Même sans opposer l’âme et le corps, une fatigue corporelle et une lassitude psychique, toute fatigue, fût-elle spirituelle, pèse sur nos gestes et sur nos pas, tandis que tout effort physique nous plonge dans la stupeur, ralentit notre regard, son acuité, même imperceptiblement.
Les vieux sont fatigués de faire et las de ne rien faire.
Parkinson le glas
Jouir de sa propre fatigue ou en être accablé comme si elle nous privait de ce que nous sommes : un être animé.
Chaque acte a sa fatigue propre = polychromie de la fatigue
vieillesse : l’irréparable et l’irréversible
nul corps vivant n’est infatigable. Même la terre et le soleil se fatiguent, même les étoiles meurent.
Aristote : nous sommes voués à la fatigue parce que nous avons un corps et que chacun de nos actes a un coût. Le moindre effort consomme et consume.
Plotin : c’est parce que nos âmes se fatiguent de la contemplation qu’elles en viennent à prendre corps.
Vieillir = fatigue et mort. Mourir d’épuisement. Mourir à la tâche, à sa tâche de vie, à sa table d’existence, à son établi de vivant (ici Bachelard vieux)
≠ les dieux sont infatigables, inlassables, donc immortels.

3 fatig fondamentales :
1) fatigue grecque philo poids finitude opacité
2) la fatigue biblique prophètes d’israël grâce et résurrection
3) la fatig nihiliste (Nietzsche)
il n’y a pas de corps humain indépendamment de l’épreuve qu’il fait de soi. À cette épreuve appartient essentiellement la pensée.
Vieux : le corps lourd de ses œuvres.
Eccléssiaste : vieux brisé et enroué par tant de paroles, les mains tremblant de tout ce qu’elles ont porté, soulevé, touché, les jambes restituant la lgueur des chemins parcourus.

L’usage du monde nous use. Sur les visages vieillis, la charge même de la fatigue. Rides de l’autre = ses œuvres.

1) le témoin absent
la fatig n’est pas physique, n’est pas la résultante mécanique d’un effort. Dans la fatig, notre rapport à la vie et à l’être est en jeu. La fatig fait signe vers le dégoût, la lassitude (taedium). Corrélation de la fatigue et de la mort. La mort habite la fatigue. La fatigue causée par une maladie, un voyage, une défaite, abrège les jours. Mais il se peut que chacun ait décidé sa maladie sa défaite son voyage usant.
L’épuisement pensé comme don, comme offrande et remise de soi à Dieu jusqu’au bout.
Mourir de fatigue : il n’y a pas de première fatigue. Elle a toujours été déjà là. Nous avons été fatigués avant que de dire je.
Un pas ne fatigue pas, 1000 non plus, mais au mille et unième on se sent fatigué. Toutes blessent, la dernière tue.
Se sentir fatigué, c’est voir le monde comme fatigant, lourd, coûteux.
L’activité de l’homme ne peut être continue et ininterrompue, au contraire des dieux infatigables. (Vernant, corps des dieux)
Liens ++ entre fatig et humanité.

2) fatig et lassitude
distinction entre fatig (travail corporel) et lassitude (Fatig de l’âme)
« las de l’amer repos » (mallarmé)
« Pour être las, il suffit d’être longtemps dans la même situation ; pour être fatigué, il faut agir » (Condillac)

il y a un plaisir de la fatigue même, une fatig exempte de tout dégoût, une fatig affirmative et saine où notre corps fait l’épreuve joyeuse de sa propre puissance.
Descartes : « (plaisir) des exercices du corps, comme la chasse, le jeu de la paume et autres semblables, qui ne laissent pas d’être agréables, encore qu’ils soient fort pénibles ; et même on voit que souvent c’est la fatigue et la peine qui en augmentent le plaisir. Et la cause du contentement que l’âme reçoit en ces exercices, consiste en ce qu’ils lui font remarquer la force, ou l’adresse, ou quelque autre perfection du corps auquel elle est jointe. »
(letre à Elisabeth, 6 oct 1645)
proposer de voir la vieillesse comme la perfection des efforts de la vie

Maurice de Guérin, Cahier vert, « Voilà deux mois d’inaction, de participation à la fatigue humaine. Mais en m’inclinant sur mon labeur, en creusant le sillon où je viens de semer mes premières sueurs, je n’ai ressenti que des lassitudes physiques. Mon âme revient de ses journées avec la fraîcheur du réveil. Il n’y a pas bien longtemps qu’elle frissonnait et défaillait quand la pensée d’un acte extérieur à accomplir passait devant elle. » (23 nov 1834)
La fatigue du corps délivre de la fatigue de l’âme et suscite un véritable renouvellement. Sa fatigue le rajeunit. Elle apparaît comme un redevenir homme (« participation à la fatigue humaine ») = le crépuscule du soir est en même temps un crépuscule du matin, une aurore, un réveil.

Maisons de retraite : Equipée Segalen
L’absence de fatigue produit ennui, dégoût, lassitude, insomnie. Le taedium vitae quand « on n’a pas fait de route (…) Ne pas sentir dans les reins ce poids incommensurable de cent li parcourus avec entrain ! Ce n’est plus la fatigue achetée au jeu des muscles, mais l’illusion quotidienne, un accablement sans cause et sans vigueur, qui ne permet aucun espoir de sommeil et n’espère aucun réveil. »
Le taedium vitae s’appesantit sur une vie qui ne fait pas l’épreuve de sa force, il la dépossède du rythme du sommeil et de l’éveil.
Ici glisser sur rythme veille/sommeil, circadien perturbé chez les vieux
La vie est « sous une grande fatigue, d’autant plus lourde qu’elle naît dans le repos. »
Sans forces à refaire, il n’y a plus rien à attendre.

Il sait dans la fatigue être sans lassitude (Corneille)

À mettre dans être UTILE/le plaisir de fatigue
Le plaisir de fatigue dont parle Descartes se présente dans des activités libres et distrayantes que j’ai moi-même choisies, et auxquelles je ne m’adonne qu’aussi longtemps que je le souhaite. Ce sont des jeux, ou des sortes de jeux, avec leur enjeu et leur compétition. L’épreuve que j’y fais de mon corps est aussi une preuve de son excellence, car la nature même de ces activités libres offre l’espace où telle qualité, telle vigueur, telle endurance peuvent être « remarquées » des autres et de moi-même ≠ esclave, forçat, prisonnier, vieux, ouvrier d’usine, qui ne voient pas leur plaisir croître à mesure du caractère pénible de leur tâche.
Le plaisir dont parle Descartes = surcroît d’énergie. On ne prend plaisir à la fatigue que quand on n’y est pas contraint. La joie des grandes dépenses, ces dépenses augmentent encore les ressources. Fatigue printanière = fatig seulement corporelle qui laisse l’âme aussi jeune qu’avant.

Segalen Equipée. La belle fatigue achetée au jeu des muscles. Il faut n’être ni trop reposé jusqu’à l’oubli de la dépense, encore moins époumoné, ni épuisé — mais dans cet état désirable où la fatigue est plus que surmontée : dépassée ; dans cette ivresse palpitante et dynamique où le corps entier jouit de lui. » (Equipée)

Joie d’une victoire et d’un surmontement. Mais notre fatigue n’est joyeuse que si on peut la regarder de haut. Pouvoir porter ce corps qui pèse (muscles, articulations). Et non pas s’effondrer. Une telle fatigue est saisie depuis un lieu de nous-mêmes où nous ne sommes pas fatigués, c’est notre force, notre fraîcheur foncière, qui jouit de notre fatigue. Joie d’être utile. Fatigue heureuse, joyeuse, on jouit d’en être lesté. ≠ fatigue du dégoût de l’ennui du découragement de l’acédie.

On ne doit pas opposer fatig de l’âme et fatigue du corps puisque toute fatigue nous met en jeu corps et âme, tout entiers en cause.
Pouvoir être ≠ pouvoir de faire ceci ou cela
(l’épuisé) (le fatigué)
je n’en peux plus
citer LA RALENTIE DE MICHAUX
à placer avec le végétatif de cowper powys

3) SARTRE ET LES 2 MARCHEURS
sartre et la fatigue : « Je suis parti en excursion avec des camarades. Au bout de plusieurs heures de marche, ma fatigue augmente, elle finit par devenir très pénible. Je résiste d’abord et puis tout à coup je me laisse aller, je cède, je jette mon sac sur le bord de la route et je me laisse tomber à côté de lui. » = 2 projets
= 1) celui qui cède à la fatigu
2) celui qui la vainc et poursuit sa route
il y a donc 2 rapports à la fatigue et non pas 2 fatigues.
« D’où vient donc qu’ils souffrent différemment de leur fatigue ? » (Sartre, L’Etre et le Néant, IV, I, 1)
continuer sa route malgré la fatigue ou s’arrêter du fait de la fatigue forment 2 actes aussi parfaitement libres l’un que l’autre. Mon rapport à la fatigue est lieu de liberté souveraine. Cependant s’arrêter et continuer ne constituent pas 2 possibilités échangeables comme si j’avais choisi entre elles, car chacun de ces actes étant « partie intégrante » d’un « projet originel » de soi, celui qui arrête n’aurait pu continuer et celui qui continue n’aurait pu s’arrêter que par une « modification fdamentale » de (son) choix originel de (lui)-même », que « par une conversion radicale de (son) être-dans-le-monde, c'est-à-dire par une brusque métamorphose de (son) projet initial, c'est-à-dire par un autre choix de lui-même et de ses fins. »
l’un des 2 marcheurs va tenter de se laisser boire par son propre corps = celui qui continue
celui qui vainc sa fatigue et continue son effort « aime sa fatigue » : « il s’y abandonne comme à un bain », il cherche dans son malaise même à « réaliser un contact direct avec le soleil ». abandon, « familiarité douce avec une fatigue qu’il aime, à laquelle il s’abandonne et que pourtant il dirige »
= transposer : fatigue avec vieillesse, s’abandonner à la fatig de la vieillesse : « Ainsi la fatigue de mon compagnon est vécue dans un projet plus vaste d’abandon confiant à la nature, de passion consentie pour qu’elle existe au plus fort, et, en même temps, de domination douce et d’appropriation. »
= être actif à force de passivité. Se sacrifier pour que le monde existe davantage. Aimer sa fatigue, c’est aimer son corps, c’est aimer la contingence absolue, complaisance au corps, chercher à récupérer la totalité du non-conscient, c'est-à-dire tout l’univers en tant qu’il est ensemble de choses matérielles. »
[ici rapprocher de Cowper Powys, végétatif]

- à continuer la route malgré la fatigue = « synthèse quasi panthéiste de la totalité de l’en-soi avec le pour-soi qui le récupère », synthèse dont le corps est l’instrument. En jouant à qui perd gagne, il se perd dans la fatigue pour que cet en-soi existe au plus fort. Sentiment obscur de la mission d’être.
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walt whitman Song of the open road
« connaître l’univers lui-même comme route, comme beaucoup de routes, comme des routes pour les âmes voyageuses »
abandon à la fatig, volupté de la fatigue vaincue
il faut de la fatigue et de l’endurance pour découvrir l’infatigable de la terre, qui soutient et répare la fatigue du marcheur (cf. géant Antée)
chant de la marche walt whitman, qui est chant du corps et chant du monde : « En voyageant avec moi, tu trouveras ce qui jamais ne lasse / La terre ne lasse jamais / La terre est rude, silencieuse, incompréhensible au premier abord, la Nature est rude et incompréhensible au premier abord, / Ne te décourage pas, persévère, il y a là des choses divines soigneusement enveloppées / (…) Allons ! nous ne devons pas nous arrêter ici, / (…) Quelque accueillante que soit l’hospitalité qui nous entoure, il ne nous est permis d’en jouir que pendant un peu de temps. »
la souple incantation des pas
[ici roman les vieux qui vont marcher sur le Ventoux]
vieillesse = défiance du corps ; une manière de ne pas vouloir faire avec lui, de le cpter pour rien. La fatigue, au lieu d’être une souplesse, sera appréhendée en raideur comme un phénomène importun dont on veut se débarrasser « et cela tout simplement parce qu’elle incarne mon corps et ma contingence brute au milieu du monde. » (L’Etre et le Néant).

Antithèse de l’abandon ≠ raidissement
L’acte de se laisser choir au bord du chemin en disant qu’on n’en peut plus est une façon de compter son corps pour rien et de ne pas se compromettre avec son corps. Défiance du corps. Ma fatigue n’est rien en elle-même, ni supportable ni insupportable, elle est ce que je la fais librement être à partir de mon projet.
« C’est la façon dont je me confie à l’inanimé, dont je m’abandonne à mon corps — ou, au contraire, dont je me raidis contre l’un et l’autre » qui dévoile le monde comme ce qu’il est pour moi.
- celui qui cède à la fatigue et se laisse tomber au bord de la route = raidisssement initial contre son corps et le monde
- la position la plus active (continuer à marcher) est l’abandon aux choses, l’aliénation de soi au profit des choses

toujours dans ETRE UTILE
non, je vais vous encombrer, je préfère rester seule, je vais vous ralentir

AVEC CONSOLE DE JEUX NINTENDO
CONTEMPLATION
Aristote et les intermittences de la contemplation
Défunt étym. : defunctus de defungor = s’acquitter d’une tâche ou d’une dette, être quitte. Le defunctus s’est acquitté de la vie. Il a payé, il a donné.
La fatigue désigne l’œuvre de la vie humaine, comme si vivre n’était rien d’autre que se fatiguer, avoir pris de la peine.
L’une des félicités de la vie contemplative : absence de fatigue. Loisir, infatigabilité réservés à l’homme. Parmi les vies que nous pouvons mener, la vie contemplative est la plus continue, car nous sommes capables de nous livrer à la contemplation d’une manière plus continue qu’en accomplissant n’importe quelle action. Car vie contemplative = moindre coût, moindre dépense au regard des autres actes humains, + plaisir ++ qu’elle suscite.
Contemplation = infatigabilité humaine, mais nous ne saurions contempler toujours.
« Comment se fait-il que personne ne ressente le plaisir de façon continue ? La cause n’en est-elle pas la fatigue ? » (Aristote)
or à quelque opération, même contemplative, le corps sert en quelque façon et s’use.
C’est pourquoi nous pensons avec notre corps que notre corps en vient nécessairement à nous fatiguer. Mais penser avec notre corps n’appartient qu’à nous. Se fatiguer de penser, ne pouvoir soutenir la joie la plus haute n’appartient qu’à l’homme.
La fatigue de penser est le propre de l’homme.
La peine et la fatig intellectuelles affectent nos opérations à cause du corps. Mais puisque les opérations de l’intellect sont celles qui se servent le moins du corps, donc la fatig qui en résulte est la moindre possible.
L’intellect en pensant a besoin des phantasmes qui existent dans les organes du corps (Thomas d’Aquin)
Comme les dieux nous pensons mais penser finit par nous fatiguer enfin
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Dans la pensée comme acte, le divin manifeste son infatigabilité et l’humain sa lassitude. Le moins fatigant de tous les actes humains est le plus humain. Mais il reste inéluctablement fatigant.
« puisque la fatigue a lieu par un défaut de force, et l’oubli par un défaut de science, il est clair que Dieu ne peut ni se fatiguer, ni oublier » (Saint Thomas)
Sénèque, Lettre à Lucilius : « Ainsi les hommes périssent, mais l’humanité même, archétype de l’homme, demeure et, tandis que les hommes peinent et meurent, n’en ressent nul dommage »