Billets du lever

Tu fais quoi quand ça ne va pas ?

Je fais revenir du beurre dans un faitout. Tout en causant, il goûte, on mange avec les doigts. Il caresse un tajine en rêvant. Le chaud et le froid, les consistances, le degré de mouillure des aliments exercent le toucher et accentuent encore le plaisir de manducation. Il me sourit. Je pose la main sur sa nuque : « Tu veux bien hacher la ciboulette, s’il te plaît ? » Ensuite, il trie la salade dans l’essoreuse qu’il appuie contre son ventre, sans doute pour communiquer aux feuilles ondulées son éclat et sa fraîcheur.
« Prends le saladier orange ! »
Il y a toujours sur ma table beaucoup d’herbes fraîches et d’aromates que je rapporte du marché. Je fais en sorte que chaque bouchée de nourriture contienne au moins dix saveurs et que la langue passe du temps à les démêler.
Il me dit : « Tu fais quoi quand ça ne va pas ? »
Moi, je me sauve par le miel.
« Tu fais couler un pot de miel sur le sable de l’allée. Mettons, de l’acacia. Puis, à l’aide d’une cuillère à café, tu le ramasses et tu le remets dans le pot, sans un seul grain de sable. »
On imagine mal à quel point une activité en apparence aussi futile mobilise tous les muscles et les yeux et toute l’attente du corps jusqu’aux orteils, et l’esprit, au point que je me sens entièrement vide et quiète au bout de vingt minutes.
« Viens, on va couper du romarin ! Laisse-toi donc aller ! »
Je lui fais respirer un bouquet de romarin. Je dis que le romarin frais a des vertus aphrodisiaques. Je lui caresse les lèvres avec.