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Eliade (Mircea) > Océanographie

Présentation

Mircea Eliade, Océanographie, traduit du roumain par Alain Paruit, L'Herne, 1993.

En 1934, Mircea Eliade publiait sous le titre d'Océanographie un recueil réunissant des articles parus un an ou deux plus tôt dans les journaux bucarestois Cuvântul et Vremea, ainsi que des notes qu'il appela "Fragments".
Pourquoi Océanographie ? Parce qu'"une très surprenante et riche moisson attend l'océanographie de l'âme contemporaine", dit l'auteur dans sa préface. "Cette tentative d'examiner la vie quotidienne de l'âme, de résoudre à nouveau, sérieusement, les problèmes simples — que personne ne prend plus en considération parce qu'ils sont trop grands ou trop simples —, je l'appelle océanographie."

> Extraits
(providentiels en de sombres temps)
"Les obscurités les plus imperméables et les plus dangereuses se trouvent dans les intentions et les gestes considérés par tout le monde comme clairs, évidents, simples et éternellement valables."

"L’homme qui comprend qu’il ne pourra jamais atteindre le bonheur par ses propres moyens, par sa propre ascension spirituelle, n’a qu’une chose à faire : réaliser le bonheur d’un autre. Les illusions les plus abjectes sont liées à cette course au bonheur personnel. Si nous devons connaître un jour le bonheur concret, nous le rencontrerons à l’improviste, sans l’avoir cherché, sans l’avoir conquis : il nous sera offert par quelqu'un d’autre. Le bonheur et l’amour sont forcément des cadeaux royaux. Essayons même de ne pas aspirer à notre propre bonheur. Renonçons à l’idée qu’il pourrait nous être offert un beau jour. Dépersonnalisons-nous pour devenir de simples instruments de la vie et du destin."


"Les grandes vérités — d’ailleurs les seules qui comptent — sont trouvées par hasard. La mort, l’amour, le printemps ou l’automne du cœur, nous les rencontrons et les connaissons par hasard. Ce n’est pas tout. Il nous parfois longtemps pour comprendre que nous les connaissons. Elles sont si grises, si humbles, si quotidiennes, que nous ne les remarquons même pas. Notre conscience est attirée davantage par les vérités catastrophiques, violentes, sommaires, agoniques, celles qui violent et doivent être violées, celles qui exaltent vertigineusement la chair et l’âme, celles qui sont révélées par des expérience dont la dramaturgie est riche et la mise en scène élaborée."

"Nous ne faisons jamais attention à la vie qui nous entoure. Nous rêvons sans arrêt, et parallèlement au film concret de la vie, nous filmons un autre univers, le nôtre, dont nous sommes maîtres. Sans parler des événements qui engagent notre vie, notre âme, des circonstances dangereuses, etc. En outre, s’il nous arrive d’être attentifs, aux heures cruciales, ensuite nous ne nous souvenons plus de rien. L’attention n’a pas de mémoire ; elle consume le présent et se consume en lui. Nous ne nous rappelons que les détails de notre film intérieur. Nous n’avons de mémoire que pour les choses créées par nous ou pour celles que l’intervention de notre songe a intégrées à une synthèse personnelle."


"Freud laïcise l’Absolu, c’est-à-dire qu’il propose à tout un chacun une clé unique qui, croit-il, explique tout le psychisme. Alors qu’auparavant comprendre l’Absolu (le sens de l’existence, de l’âme, des réalités surnaturelles) supposait l’effort, l’ascèse, l’intelligence - et donc l’inégalité -, la psychanalyse offre cette compréhension à tout le monde pour l’achat de trois ou quatre livres pas trop chers, accessibles à n’importe qui. Freud est un grave exemple de trahison de la spiritualité judaïque, c’est-à-dire de transfert d’une valeur unique et de laïcisation de l’Absolu. Il serait d’ailleurs intéressant d’étudier l’apparition de l’élément dramatique dans la spiritualité judaïque (où il n’a jamais existé, où la liturgie était le seul dynamisme accepté dans l’expérience spirituelle), apparition qui, à mon sens, coïncide avec cette laïcisation de l’Absolu."


> Mes notes personnelles, pêle-mêle, inutilisables et désorganisées

• Les obscurités les plus imperméables et les plus dangereuses se trouvent dans les intentions et les gestes considérés par tout le monde comme clairs, évidents, simples et éternellement valables.
• L’homme qui comprend qu’il ne pourra jamais atteindre le bonheur par ses propres moyens, par sa propre ascension spirituelle, n’a qu’une chose à faire : réaliser le bonheur d’un autre. Les illusions les plus abjectes sont liées à cette course au bonheur personnel. Si nous devons connaître un jour le bonheur concret, nous le rencontrerons à l’improviste, sans l’avoir cherché, sans l’avoir conquis : il nous sera offert par quelqu'un d’autre. Le bonheur et l’amour sont forcément des cadeaux royaux. Essayons même de ne pas aspirer à notre propre bonheur. Renonçons à l’idée qu’il pourrait nous être offert un beau jour. Dépersonnalisons-nous pour devenir de simples instruments de la vie et du destin.
• La romance écœurante des printemps morts, des événements et des êtres qui ne se répéteront pas. Mélancolie féminine, ces sentiments liés au passé n’ont rien de « viril », rien qui concerne la mort en tant que telle. Ils se rattachent à des cadavres, à des formes dépassées, à des histoires épuisées. On confond trop souvent la mort et le cadavre. Ce dernier ne peut m’intéresser, il est une forme glacée, un mouvement stoppé brutalement. Quoi que nous fassions et pensions au cours du temps, ce sont des cadavres (un livre, un geste, une action, un amour) et il faut sans cesse les dépasser, il faut toujours faire entrer un air neuf si nous ne voulons pas devenir nous-mêmes des cadavres, des momies, des actes morts, des dogmes.
• Rien n’est bien coordonné en ce monde, rien n’est harmonisé. Pensez à tout le temps que vous perdez avec des gens qui ne vous comprennent pas, à toute l’affection que vous gaspillez pour des gens insensibles, alors que, pour les très rares qui sont des frères pour vous, vous ne trouvez que quelques minutes, quelques sourires, quelques paroles creuses. Ce que nous avons de meilleur en nous, nous l’offrons aux gens qui n’ont que faire de nos dons. Nous préférons « chercher », en perdant notre temps, que tenir dans nos bras ce que nous savons depuis longtemps digne de nous.
• Les grandes vérités — d’ailleurs les seules qui comptent — sont trouvées par hasard. La mort, l’amour, le printemps ou l’automne du cœur, nous les rencontrons et les connaissons par hasard. Ce n’est pas tout. Il nous parfois longtemps pour comprendre que nous les connaissons. Elles sont si grises, si humbles, si quotidiennes, que nous ne les remarquons même pas. Notre conscience est attirée davantage par les vérités catastrophiques, violentes, sommaires, agoniques, celles qui violent et doivent être violées, celles qui exaltent vertigineusement la chair et l’âme, celles qui sont révélées par des expérience dont la dramaturgie est riche et la mise en scène élaborée.
• Nous ne faisons jamais attention à la vie qui nous entoure. Nous rêvons sans arrêt, et parallèlement au film concret de la vie, nous filmons un autre univers, le nôtre, dont nous sommes maîtres. Sans parler des événements qui engagent notre vie, notre âme, des circonstances dangereuses, etc. En outre, s’il nous arrive d’être attentifs, aux heures cruciales, ensuite nous ne nous souvenons plus de rien. L’attention n’a pas de mémoire ; elle consume le présent et se consume en lui. Nous ne nous rappelons que les détails de notre film intérieur. Nous n’avons de mémoire que pour les choses créées par nous ou pour celles que l’intervention de notre songe a intégrées à une synthèse personnelle.
• Lisez un bon livre, un de ces livres parfaitement écrits, parfaitement construits, remarqués par les critiques, approuvés par le public, couronnés de prix, un bon livre c’est-à-dire un livre mort. Il est si bon qu’il n’ébranle en rien notre marasme et notre médiocrité. Au contraire, il s’intègre parfaitement à nos petits drames, à nos piètres vices, à nos pauvres nostalgies, c’est tout. Dans dix ans ou dans cent, plus personne ne le lira.
• Seul le ridicule mérite d’être imité. Car c’est seulement en imitant le ridicule que nous imitons la vie. Il recèle e effet la pleine et entière sincérité de la vie et non pas ses idées et ses conventions, qui sont des facettes de la mort. Or, quant à la mort, Dieu merci, nous en trouvons bien assez en nous.
• Je suis sûr qu’un adolescent ressort plus riche d’un voyage en Orient vu au cinéma qu’un reporter d’un voyage outre-mer réellement effectué. Car ce dernier se barde intérieurement de boucliers invisibles contre tout choc, contre toute expérience qui pourrait le sortir de lui-même, contre toute expérience qui pourrait lui révéler le goût de cendre de l’absolu.
• Ns sommes si nombreux à attendre toute la vie un événement, un homme, une connaissance pour entrevoir ainsi une brèche dans le cercle de fer qui nous enserre, chacun seul avec lui-même, pour deviner ainsi une vie nouvelle, une joie véritable, mais quand l’occurrence ou l’homme se présente, nous nous recroquevillons de toutes les forces de notre instinct, nous nous refusons, nous ns neutralisons, nous retournons au règne minéral.
• L’art de divaguer c’est comprendre le 1er devoir de la vie : créer , créer inlassablement des formes et des expressions dans lesquelles elle se manifeste, qui l’illustrent, la satisfont et l’épuisent. Non pas une divagation sans envergure, une incapacité de se concentrer plutôt qu’une création généreuse et libre. Divagation philosophique : une pensée qui ne se laisse jamais paralyser par ses propres formes, par ses règles, son histoire ; une pensée qui se veut toujours nouvelle, qui change d’optique et d’instruments selon les besoins de l’heure. Une pensée qui ne s’arrête pas à des systèmes mais qui, au contraire, coïncide toujours avec les expériences et les émotions du moment.
• Pour qu’il ne continue rien comme dans un roman ou un livre de philosophie. Pour qu’au contraire il reparte toujours de zéro — comme dans une divagation. Pour qu’il soit purement et simplement un homme qui divague.
• La stimulation de la pensée et de l’imagination est due de moins en moins à la vie et au monde et de plus en plus à la culture, en particulier aux livres. Il y a une grande différence entre utiliser et être stimulé. Quand il s’agit de méditer sur les mystères et sur la vie, sur les voies et sur l’âme, il doit trouver la stimulation de sa pensée créatrice et de son imagination compréhensive dans la vie qui est en lui et autour de lui. Car toute pensée stimulée par une autre pensée est provisoire et inefficace. Ces gens-là, bien qu’ils connaissent la vie, ne sont stimulés dans leur pensée créatrice, dans leur façon de comprendre la vie, que par des livres et des œuvres d’art, par ce que d’autres ont accompli. Ils trouvent leur originalité dans l’interprétation des œuvres d’autrui (au moment où lit bouddhisme)
• On vit rarement de façon plus surprenante, plus fertile que lorsqu’on perd son temps. C’est seulement alors qu’on peut vraiment écouter. Mais comme personne n’écoute, personne ne perd son temps, alors chacun a une réponse toute prête, chacun interprète vos dires à son gré, chacun sait d’avance ce qui gît en vous et ce que vous pensez. On doit avoir une interrogation, pendant quelques instants au moins devant chaque être humain : peut-être cache-t-il une tragédie ou vit-il un miracle, qui sait ? Mais celui qui ne sait pas perdre son temps, ignore cette secrète expectative psychique, et de ce fait ne connaît pas les hommes. Il agit toujours machinalement : provoquez telle association d’idées, il vous livrera une formule, stimulez tel sentiment, il vous en livrera une autre. Mais votre miracle, votre vie, où sont-ils ? Les gens pressés qui en savent toujours d’avance plus que vous passent à côté de l’essentiel : votre vie autonome, votre création. Ce qu’ils ne savent pas, c’est perdre leur temps, laisser la vie les inonder de ses révélations et de ses miracles.
• Il est héroïque (et cela demanderait une éducation que personne n’a reçue) de rester dans le présent, de ne pas prolonger le passé, de n’avoir aucun lien abstrait, projeté dans le temps, avec l’avenir. Il est très difficile de consommer le temps. La plupart des gens évitent le temps, ils en sortent, soit parce qu’ils évoquent le passé, soit parce qu’ils pensent à l’avenir, soit encore parce qu’ils créent leur temps personnel, leur film intérieur. C’est dans ce sens qu’on peut dire que la vie est un songe, dans le sens que nous ne vivons jamais dans le présent, dans l’actualité concrète.
• Se réveiller est douloureux, sortir du songe est héroïque, car alors nous interrompons notre film, nous faisons éclater notre univers synthétique, nous coupons les ponts rêvés avec le passé et l’avenir, nous décidons de vivre dans l’heure présente, seulement dans l’heure présente, sans idéal projeté dans le temps, sans mémoire consolatrice, et alors il se réveillait très seul, effroyablement seul.
• On ne peut dominer que les choses auxquelles on a renoncé, dont on s’est affranchi, non en se détachant d’elles, mais en cessant d’en espérer quelque profit.
• Voilà pourquoi chacun doit continuer à livrer ses batailles. Si chacun agissait sans penser à une récompense, cette terre serait un paradis. Si 10 hommes seulement agissaient librement, ouverts à toute réalité, sans préjugés ni dogmes, la vie pourrait aller de l’avant sans encombre. Peu importe en effet ce qui se fait autour de nous. Ce que nous faisons nous-mêmes est la seule chose qui compte. Chacun de nous porte en son sein son imbécile. Et il est le seul à pouvoir l’étrangler. Au fur et à mesure du développement de l’individu, de la croissance et de la maturation de son cerveau, on est d’abord un idiot, un crétin (retrouver échelle) mais chacun de ces êtres subsiste en nous et veut sa part de notre vie.
• Si on ne renonce pas à son passé, à son histoire, on ne peut rien expérimenter en direct, on ne peut donc pas connaître immédiatement, réellement, mais par transparence, par un truchement, par des relations. L’expérience devient alors une éventualité, une abstraction, elle perd son caractère de connaissance réelle, immédiate.
• La tristesse n’a jamais rien créé, sauf une certaine poésie.
• Il y a toutes sortes de manières d’aimer, si différentes les unes des autres qu’on se demande parfois s’il est juste de les nommer avec un seul et même terme. ICI récup Syndrome nuancier)
• Chaque fois qu’on médite profondément sur des questions difficiles à définir (la mort, le sens de la vie, son but), vous ne réussissez pas à obtenir la concentration initiale indispensable sans raidir votre corps, arrêter la respiration ou la ralentir, suspendre tout mouvement du corps et, en même temps, la conscience qu’on en a. Cette suspension est nécessaire pour obtenir la concentration requise, même dans le cas d’un problème de math. Imaginer le carreautier, éponge levée, en catalepsie sur le bord de la fenêtre, au 9ème étage). Je peux fort bien penser à des événements politiques ou à une question de philosophie et simultanément remuer les membres, parfaitement conscient de mon corps. Mais certaines pensées peuvent se développer uniquement si on la suspend.
• L’homme qui comprend qu’il ne pourra jamais atteindre le bonheur par ses propres moyens, par sa propre ascension spirituelle, n’a qu’une chose à faire : réaliser le bonheur d’un autre. Les illusions les plus abjectes sont liées à cette course au bonheur personnel. Si nous devons connaître un jour le bonheur concret, nous le rencontrerons à l’improviste, sans l’avoir cherché, sans l’avoir conquis : il nous sera offert par quelqu'un d’autre. Le bonheur et l’amour sont forcément des cadeaux royaux. Essayons même de ne pas aspirer à notre propre bonheur. Renonçons à l’idée qu’il pourrait nous être offert un beau jour. Dépersonnalisons-nous pour devenir de simples instruments de la vie et du destin.
• Scènes revécues sont trop ardentes, trop tourmentées, trop nues pour exister longtemps dans ce monde vivant du transitoire et de l’instantané. Et alors, elles passent mystérieusement dans l’autre vie, celle des choses mortes, grandes ou petites, mais mortes. (avec cadavres)
• Distinguer le noble instinct sexuel, qui lui demande d’avoir une compagne de plaisirs — de l’instinct, bien plus complexe, de l’harmonie intérieure. Distinguer ses besoins sexuels de la nécessité d’une harmonie et d’une camaraderie conjugale, rester célibataire, s’offrir des liaisons et des aventures, mais garder son indépendance chez soi. Derrière la superbe vie sexuelle d’Olga, le vide, l’inertie, l’opacité, la turpitude. Or un homme ayant une certaine densité intérieure ne risque jamais sa liberté et la tranquillité de toute une vie pour une simple expérience sexuelle. Son équilibre sexuel étant fixé d’une façon ou d’une autre, il est libre de se lier d’amitié avec n’importe quel genre de femme.
• Freud a laïcisé l’Absolu en proposant à tout un chacun une clé unique qui, croit-il, explique tout le psychisme. Alors qu’auparavant comprendre l’Absolu (le sens de l’existence, de l’âme, des réalités surnaturelles) supposait l’effort, l’ascèse, l’intelligence et donc l’inégalité, la psychanalyse offre cette compréhension à tout le monde pour l’achat de quatre ou cinq livres de poche.
• Un professeur de philosophie connaît son Schopenhauer sur le bout des doigts : l’homme n’est pas fait pour être heureux. Faire de sa vie et de la connaissance de soi une joie permanente, malgré les misères, les noirceurs, les impuissances, les désespoirs, combattre notre propre destin, qui est forcément, puisque nous sommes humaines, un destin de solitude et de tristesse.
• Chaque fois que vous êtes abattu en raison de la tristesse de la condition humaine, essayez d’oublier votre propre personne. Essayez de regarder la vie comme si vous n’existiez pas. Car les points de vue personnels engendrent toujours la tristesse.
• Et surtout qu’il n’y ait pas de mémoire personnelle, c'est-à-dire la mémoire sentimentale, nostalgique, dans laquelle la douleur et les joies ensemencent des actes inutiles : suicide ou réconciliation.
• Apprenez à concevoir une autre éternité que celle du temps, de l’histoire. Alors le fait que tout soit passager, que rien ne soit permanent, c’était mieux avant, ne feront plus mal. Alors seul comptera le hasard.
• Alain à la lecture de la lettre d’Olga : Je me demande comment on peut encore dormir après avoir écrit une lettre pareille.
• Agonisant dans des drames factices et créant dans le vide, à partir de réminiscences et de nostalgies.
• La vie amoureuse a aussi sa loi de résistance des matériaux.
• (au début, avec la pute) L’aube de tout changement dans la vie, dans la pensée ou dans la passion est annoncée par une sereine indifférence à l’égard de la chair. Un calme inhumain envers tout ce qui concerne les lois du corps envahit celui qui change. Et cela se passe même quand il change de vie en acceptant une victoire de la chair.
• Son sexe a aussi sa loi de résistance des matériaux.
• Chacun rencontre la mort à laquelle, il croyait, la mort qu’il se représentait.
• Les lecteurs les plus précieux (tellement affamé) sont ceux qui oublient les livres, qui assimilent si personnellement les pensées et les émotions des auteurs qu’ils ne se rappellent pas où ils les ont puisées, qui réussissent à transformer la difficile activité de lecture en fonction organique naturelle, imitant par là le geste de la chimie du vivant qui ne conserve jamais le contour des objets assimilés, leur mémoire, mais en transforme sans cesse la substance.
• Les vérités ne sont pas moins dangereuses que les erreurs. Lorsqu’on se cramponne à une vérité (qu’on a empruntée dans sa jeunesse, avant de s’ossifier spirituellement), on ne peut plus rien voir de toute la réalité environnante. On ne peut plus avancer, on est condamné à comprendre pendant toute sa vie ce seul secteur de réalité qu’on a choisi au moment de se solidifier.
• Etre doit signifier une création permanente, un dépassement ininterrompu, un enrichissement de la vie universelle grâce à des formes nouvelles et vivantes, à des gestes nouveaux et féconds. Nous sommes parce que notre vie est un organisme, c'est-à-dire une structure bien articulée, où la sève circule sans rencontrer d’obstacles, où les formes se complètent les unes les autres, où survivre signifie se créer sans cesse soi-même. La seule justification d’une existence réside dans la vie qu’elle renferme, dans son intensité, sa fertilité, sa profondeur. La joie, la lumière, la victoire, le dépassement (le dépassement perpétuel), l’espoir, voilà autant de preuves montrant que la vie gargouille là, pleine et organisée.