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Micropaléontologie > Alcide d'Orbigny (foraminifères), C. Ehrenberg, Haeckel, Cuvillier

Présentation

MICROPALÉONTOLOGIE

Etude des restes fossiles de taille microscopique, d'origine animale ou végétale, provenant de micro-organismes ou étant des micro-constituants d'organismes plus grands. Ses applications sont celles de la paléontologie. Elle en diffère par les techniques d'études, puisque la taille des organismes observés varie de quelques nanomètres (1nm = 10–9 m) à quelques millimètres.
Au cours du XIXe siècle, avec la généralisation du microscope, l'examen des fossiles s'est étendu à celui des microfossiles. Un nouveau monde a ainsi été découvert. En France, les foraminifères ont été parmi les premiers micro-organismes à être connus. Le naturaliste français Alcide d'Orbigny (1802-1875) fut l'un des fondateurs de la micropaléontologie. Toutefois, cette discipline est devenue une véritable science grâce aux travaux de l'Allemand Christian Gottfried Ehrenberg (1795-1876), qui a le premier étudié les ostracodes et d'autres groupes de microfossiles (radiolaires, diatomées...). À la suite des premières grandes expéditions océanographiques de la seconde moitié du XIXe siècle, l'Allemand Ernst Heinrich Haeckel a décrit plusieurs milliers d'organismes microscopiques (radiolaires, diatomées, foraminifères...). La micropaléontologie a connu son principal essor après la Seconde Guerre mondiale, en raison de son utilité en stratigraphie dans le cadre des recherches pétrolières, en particulier pour l'étude des matériaux recueillis au cours des forages (copeaux de forages). En effet, dans ces échantillons, la macrofaune est souvent inutilisable, la taille des organismes dépassant souvent celle des fragments recueillis (les copeaux étant infracentimétriques), alors que les microfossiles sont parfois très abondants. La micropaléontologie a alors montré son véritable intérêt pour l'industrie. Toutes les compagnies pétrolières se sont dotées d'un service de micropaléontologie.
L'élément essentiel de la micropaléontologie a été pendant longtemps l'étude des microfossiles libres, foraminifères et ostracodes principalement, obtenues par lavages de roches meubles. Jean Cuvillier (1899-1969), reprenant et développant les travaux importants de ses prédécesseurs Lucien Cayeux et Jacques de Lapparent, a élargi cette discipline en étudiant les roches consolidées, notamment à partir de lames minces de roches (0,03 mm d'épaisseur). Leur contenu minéralogique et les organismes qui s'y présentent offrent une image de la sédimentation. À la suite de Cuvillier, les foraminifères ont longtemps fourni l'élément principal des informations stratigraphiques. Mais d'autres groupes apportent également de précieux renseignements, tant stratigraphiques qu'écologiques.

Méthodes de préparation et détermination des organismes
Les méthodes de préparation diffèrent selon la nature des roches (meubles ou consolidées carbonatées ou siliceuses...) et selon la composition (organique, phosphatée, carbonatée, siliceuse...) des microfossiles à extraire.

Les roches meubles (argiles, marnes, sables) sont facilement lavables. Dans ces résidus de lavages, on trouve des foraminifères – parfois associés à des sclérites d'holothuries, spicules d'éponges –, ou d'autres protozoaires, accompagnés de fragments de polypiers, bryozoaires, échinodermes, brachiopodes, mollusques, crustacés, poissons, etc.
Pour les roches consolidées, deux approches sont possibles : soit on laisse les microfossiles dans la roche, soit on cherche à les extraire. Dans le premier cas, on peut les observer après polissage de la roche, mais, généralement, il est préférable de réaliser des plaques minces de quelques centièmes de millimètre, épaisseur à laquelle toutes les roches sont transparentes. Ainsi, les microfossiles montrent leur forme et il est possible d'étudier leur nature minéralogique, ainsi que celle du ciment de la roche.
L'extraction des fossiles nécessite d'effectuer une désintégration mécanique ou une attaque chimique. La désagrégation mécanique, qui n'est efficace que sur les roches semi-consolidées, se fait par une répétition de chocs thermiques, ou par hydratation-déshydratation successives, ou par ultrasons, etc. De nombreuses variantes existent selon la degré de solidification et la nature du ciment.
Les roches calcaires sont dissoutes à l'acide acétique ou chlorhydrique. Si les microfossiles recherchés sont également en carbonate, donc susceptibles d'être dissous par l'acide, l'attaque acide doit alors être ménagée et se faire avec un acide parfaitement anhydre et à chaud. Si la roche est siliceuse, seul l'acide fluorhydrique est efficace. Là encore, si les microfossiles sont eux-mêmes siliceux, l'attaque doit être surveillée de près, le but du jeu étant de dissoudre la matrice sans dissoudre – ou le moins possible – les microfossiles.
Des techniques spécifiques sont utilisées pour l'observation de certains groupes de microfossiles, tels les nanofossiles, ou les spores et les pollens, à cause de leur constitution organique souple.

Principaux types de microfossiles et leur importance
L'unité de la micropaléontologie n'est pas d'ordre taxonomique mais elle est liée au mode d'observation. Elle s'adresse à tous les types de fossiles dont la taille est microscopique. Tous les groupes sont concernés, pourvus qu'ils soient microscopiques, ou que leurs constituants le soient. Certains microfossiles sont d'origine végétale, ce sont certaines algues, les spores et grains de pollen. D'autres sont d'origine animale : ce sont les protozoaires et certains métazoaires (ostracodes, bryozoaires). D'autres encore correspondent à des minuscules constituants d'organismes macroscopiques : ce sont les spicules de spongiaires, d'alcyonaires, les scolécodontes, les sclérites d'holoturies, les écailles ou dents de poissons, les conodontes (dont les relations avec un groupe de chordés primitifs n'ont été établies qu'à la fin du XXe siècle), etc. On notera d'ailleurs que les spores et grains de pollens devraient être rangés dans cette catégorie puisque ce sont des petits éléments d'arbres atteignant parfois bien plus de dix mètres de haut.

• Microfossiles d'origine végétale
Les algues ont de tout temps joué un rôle prépondérant dans l'édification de certaines roches. Les diatomées (photo), petites algues unicellulaires siliceuses (Bacillariophycées) dont la carapace est constituée par deux valves, sont connues depuis le Lias et ont formé des dépôts considérables, les diatomites, roches légères utilisées comme abrasifs, filtres ou matériaux de construction (par exemple, le dôme de Sainte-Sophie à Istanbul). Elles sont présentes dans tous les milieux aquatiques, marins ou d'eau douce. Les épais dépôts lacustres du massif Central sont exploités pour l'industrie. Les Coccolithophoridés, algues unicellulaires calcaires, sont connus depuis le Paléozoïque et contribuent à former la plupart des dépôts calcaires. La craie, notamment, est constituée par l'amoncellement de coccolithes, petits corpuscules calcaires qui recouvrent la surface de la cellule de ces flagellés, ou de leurs débris (photo 1).
Toutes les roches, déjà formées avant le Cambrien, sont susceptibles de renfermer des spores et des pollens à condition que la fossilisation ait permis la conservation des membranes organiques.

• Microfossiles d'origine animale

Protozoaires
Les foraminifères sont parmi les groupes de micro-organismes les plus souvent utilisés. Dès le Carbonifère, ils présentent un grand intérêt stratigraphique. Ce sont, pour la plupart, des microfossiles marins et les formes planctoniques sont précieuses pour établir des corrélations stratigraphiques à grande distance, tandis que les formes benthiques sont de bons repères environnementaux à l'échelle d'un bassin, bien que certaines aient une grande dispersion géographique. Les espèces de foraminifères les plus connues sont marines mais on en trouve aussi en eau douce, y compris dans certains puits de déserts.
Parmi les autres protozoaires, les radiolaires, dont on retrouve la carapace siliceuse « grillagée » à partir de laquelle l'animal émet des pseudopodes, sont des organismes marins, planctoniques, jouant un rôle considérable dans la genèse des diverses roches siliceuses. Ces fossiles, longtemps inutilisés, sont aujourd'hui d'aussi bons indicateurs temporels (du Cambrien à l'actuel) et environnementaux, surtout au Cénozoïque, que les foraminifères. Ils en représentent un complément apprécié car les uns sont souvent conservés quand les autres ne le sont pas. Les radiolaires sont uniquement marins, étant observés aussi bien dans des dépôts profonds que superficiels (par exemple, dans le calcaire de Solnhofen, en Bavière, ou dans les roches siliceuses comprises dans les faciès périrécifaux du Waulsortien, en Belgique).
Les Tintinnoïdiens, protozoaires ciliés marins aux dimensions comprises entre cinquante et deux cent cinquante micromètres, sont surtout observés en lames minces, en particulier ceux du Tithonien (anciennement Tithonique) et du Crétacé inférieur : les Calpionellidés. Leur intérêt stratigraphique n'est plus à démontrer, et l'évolution de ces formes, du Portlandien (photo 2) à l'Albien, est très exploitée. On les trouve dans des sédiments fins de type pélagique. Des organismes assez semblables ont été découverts dans le Dévonien.

Métazoaires
Parmi les métazoaires, les ostracodes sont des microfossiles importants. Petits crustacés à carapace formée par deux valves et de dimension habituellement comprise entre 0,5 et 1,5 mm, ils atteignent parfois jusqu'à cinquante millimètres. Ce sont des organismes principalement benthiques que l'on rencontre depuis le Cambrien. Leur intérêt paléoécologique est très grand, car ils peuvent vivre dans tous les milieux aquatiques : marins, saumâtres, ou lacustres. Dans chacun de ces domaines, ils présentent des associations caractéristiques. La détermination des fossiles se fait surtout sur des individus dégagés, exceptionnellement en plaques minces (à partir de leur charnière, de leur contour, de leurs traces musculaires, etc.). La classification des paléontologues est différente de celle des biologistes qui utilisent les caractères de parties molles, non fossilisables.
Les bryozoaires, largement représentés depuis le Silurien, jouent un grand rôle dans la constitution de certaines roches. Malgré leur abondance, ces organismes coloniaux vivant dans des eaux claires, généralement peu profondes, sont peu utilisés en micropaléontologie, du fait peut-être de la difficulté de reconnaître en plaques minces les caractères observés macroscopiquement.
Les tentaculites, mollusques proches des ptéropodes, constituent un groupe d'organismes pélagiques exclusivement fossiles, représentés par de petites coquilles coniques de cinq à dix millimètres de longueur, pourvues parfois d'une ornementation longitudinale ou transversale. Ce sont de bons fossiles, que l'on rencontre du Silurien au Famennien inclus (photo 3).

Parmi les microfossiles, on trouve des petits éléments qui sont des constituants de squelettes de macro-organismes. Citons les spicules de spongiaires (photo 4), d'un intérêt stratigraphique limité, mais qui sont de bons indicateurs bathymétriques. Ils constituent parfois des roches (spongolites).
Les conodontes (photo 5), éléments de squelette d'organismes vermiformes (Euconodontes), sont de nature phosphatée et leur taille est comprise entre 0,2 et 3 mm. On les trouve de l'Ordovicien au Trias, avec une évolution dans la forme qui en fait des microfossiles d'un grand intérêt stratigraphique, à tel point qu'ils servent à définir de grandes coupures de l'échelle des temps géologiques (limite Dévonien-Carbonifère, limite Paléozoïque-Mésozoïque, par exemple). Leur signification, longtemps indéterminée, a été comprise à la fin des années 1980 lorsque l'on a retrouvé, dans un tiroir, l'organisme porteur de ces conodontes, un fossile qui avait été récolté depuis des décennies.
Les scolécodontes, pièces chitineuses, sont probablement à attribuer à des mâchoires d'annélides. Ils ont servi à établir des échelles stratigraphiques du Cambrien au Carbonifère.
Les aptychus, opercules d'ammonites formés d'une ou de deux pièces calcaires, sont trouvés plus ou moins abondamment dans le Jurassique.

• Débris des différents groupes
Les échinodermes sont présents dans les roches sédimentaires depuis le Primaire. Leurs débris en lavages ou les fragments observés en plaques minces sont peu exploitables. Seules les sections de certains radioles ou, plus sûrement au Jurassique supérieur, celles de petits crinoïdes pélagiques, les saccocomidés, sont d'un certain intérêt. Les sclérites d'holothuries (concombres de mer) sont des larves géantes d'échinodermes devenues adultes (néoténie). La présence des échinodermes & celle des brachiopodes caractérisent un milieu marin.
Les débris de lamellibranches, compte tenu des modifications fréquentes de la nature de leur test, sont souvent sans grande signification. Seuls les rudistes, avec leur structure particulière, peuvent être utilisés, mais avec prudence.
Les gastéropodes existent dans tous les milieux sédimentaires. Ils apportent peu d'information en plaques minces, mais peuvent être déterminés de façon valable dans les résidus de lavages et donner des indications écologiques.
Un certain nombre d'algues pluricellulaires sécrètent un squelette calcaire dont la structure relativement complexe se retrouve dans les plaques minces.

Signification scientifique
Les recherches pétrolières ont largement contribué au développement de la micropaléontologie. Dans la prospection pétrolière, un des problèmes fondamentaux est de connaître la disposition des couches du sous-sol et ensuite de localiser les gisements. Il peut évidemment exister de gros fossiles dans les roches traversées par le tube de forage, mais, en général, ils sont broyés par le trépan et difficilement reconnaissables. Les « cuttings », copeaux de roches, évitent le carottage continu fort coûteux. Ils sont étudiés au fur et à mesure de l'avance de la sonde, et les terrains traversés sont datés à chaque instant, ce qui permet ainsi de ne pas continuer à forer dans un terrain non prometteur. Les dernières expéditions de recherches océanographiques utilisent les microfossiles pour connaître l'avancement du forage, les microfossiles permettent de connaître l'âge des terrains forés. C'est un microfossile, Rotalipora reicheli, qui a servi de fil d'Ariane au forage du tunnel sous la Manche, les outils les plus perfectionnés se fiant à son seul message.
Les recherches micropaléontologiques ont pris une telle extension au cours du XXe siècle qu'elles ont donné lieu à la création de plusieurs revues spécialisées à diffusion mondiale. Cependant, dans les années 1990, le développement des outils de la géophysique a rendu moins capitale l'étude des microfossiles dans le monde industriel.