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Foucault (Michel) > L'herméneutique du sujet
Cours au Collège de France. 1981-1982

Présentation

Michel Foucault, L'Herméneutique du sujet, Le Seuil-Gallimard, Paris, 2001.

Présentation de l'éditeur


Pour étudier la formation en Occident d'une herméneutique de soi, Michel Foucault analyse dans la philosophie grecque et romaine le thème récurent du souci de soi. Le souci de soi est une véritable activité, à laquelle il faut se livrer tout au long de sa vie, et qui a une fonction thérapeutique. Pour garder notre maîtrise face aux événements qui peuvent se produire, nous avons besoin de discours vrais et raisonnables, que Plutarque compare à des médicaments. Mais comment faire en sorte qu'ils se présentent d'eux-mêmes en nous quand cela s'avère nécessaire ? Les méthodes préconisées par les Stoïciens ou les Épicuriens pour les assimiler sont examinées ici avec précision. Il s'agit par ces techniques d'« armer le sujet d'une vérité qu'il ne connaissait pas et qui ne résidait pas en lui ».
Michel Foucault a donné pendant dix ans un Cours au Collège de France, dont le Seuil et les éditions Gallimard ont entre-pris la publication exhaustive. L'Herméneutique du sujet est le troisième volume publié.



Présentation brouillonne (avec mes notes pêle-mêle et subjectives)


Rapports entre le souci de soi (epimeleia heautou) & le gnôti seauton (« connais-toi toi-même »).
L'Herméneutique du sujet (Le Seuil-Gallimard, Paris, 2001) = retranscription annotée du cours prononcé par Michel Foucault en 1982 au Collège de France. Leçons tout entières consacrées aux techniques de soi dans l'Antiquité gréco-latine, avec une nette insistance sur les écoles stoïciennes. Travaux de Foucault sur la période antique (L'Usage des plaisirs et Le Souci de soi, Gallimard, 1984) = limités au cadre d'une histoire de la sexualité. Il s'agissait alors de montrer comment les moralistes anciens préconisaient, pour structurer le rapport de chacun à son sexe, une attitude de domination active, plutôt que d'herméneutique minutieuse (inaugurée avec l'invention chrétienne des aveux de la chair) : faire taire ses plaisirs plutôt que faire parler ses désirs.
La publication de ce cours = perspectives plus ambitieuses. Foucault s'attache ici à l'étude de la constitution historique d'un sujet dans un rapport déterminé à la vérité. L'alternative majeure n'est plus entre la maîtrise grecque des plaisirs et l'herméneutique chrétienne du désir, mais entre le souci de soi et la connaissance de soi. La connaissance de soi implique une série de techniques cognitives (examen, introspection, aveu, etc.) permettant au sujet de se poser comme objet d'un discours vrai sur lui-même. C'est le problème du « qui suis-je ? », et de l'identité personnelle à conquérir. Le souci de soi recouvre un ensemble de techniques concourant à la transformation du mode d'être du sujet, au moyen de pratiques réglées de vérité (purifications, épreuves, tri des représentations, abstinences). L'individu se construit ici comme sujet en se posant la question « que faire de mon existence ? ». C'est le problème de la vie comme œuvre à accomplir.
>> Décrit consécration majeure du souci de soi dans les écoles philosophiques de la période hellénistique et romaine (stoïcisme, épicurisme et cynisme). Cet âge d'or vient après une première période (Platon) où le souci de soi, réservé à une jeune élite, se dépassait lui-même dans la contemplation du divin ou le gouvernement des autres. Au fil du temps, il va s'étendre – tous devront se soucier de soi, à tout âge de la vie – et prendre une consistance autonome : on se soucie de soi pour se constituer comme sujet, dans l'immanence de soi à soi. Foucault s'appuie ici sur une lecture patiente des textes de Sénèque, Épictète, Marc Aurèle, Épicure, Musonius Rufus...
>> Traits éthiques de ce sujet = La concentration athlétique, d'abord. Revenir à soi ne signifie pas se prendre comme objet de connaissance, mais intensifier la présence à soi de manière à bien se préparer pour l'action, et à s'accompagner dans l'existence. Autre trait, le renforcement éthique. Les exercices proposés (épreuve : je m'entraîne à considérer les aléas de l'existence comme des défis à mes capacités de résistance ; la sélection des mathèmes utiles : je m'efforce d'assimiler, dans les sciences de la nature, les seuls énoncés qui rassérènent), tendent à construire un sujet fort, indépendant, endurant, s'efforçant d'instaurer de soi à soi un rapport d'adéquation heureuse et permanente : image du sujet comme forteresse imprenable ou port d'attache. + sujet de la distance éthique. Souci de soi ≠ repli narcissique ou de désengagement politique. Foucault prévient cette erreur en montrant que se soucier de soi ne signifie pas délaisser les affaires publiques ou se détourner des autres, mais trouver, par une série d'exercices (l'abstinence, la méditation des maux et de la mort), le juste rapport au monde, celui qui me permettra précisément d'établir avec les autres la relation qui convient. Rien qui soit de l'ordre de la renonciation totale, mais au contraire une participation maîtrisée. Enfin, ce sujet se caractérise par la correspondance parfaite entre le discours et l'action : montrer comment, chez les stoïciens et les épicuriens, l'examen de conscience ou encore les pratiques d'écoute, de lecture, d'écriture, loin de viser à retrouver une identité secrète, se comprennent comme autant d'exercices de réactivation de règles ou d'énoncés fondamentaux, afin que je puisse immédiatement m'en servir dans le fracas des événements (c'est le thème du logos comme remède, arme, équipement). Il ne s'agit pas de réduire la distance entre ce que je suis vraiment et ce que je crois que je suis, mais entre ce que je dis qu'il faut faire et ce que je fais réellement. Le travail éthique consiste alors à ordonner mon existence de telle sorte que mes principes de vérité soient directement lisibles dans la trame extérieure de mes actes.