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Foucault (Michel) > Surveiller et punir. Naissance de la prison
D'où vient cette étrange pratique et le curieux projet d'enfermer pour redresser ?

Présentation

Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, 1998.

> Résumé

Peut-être avons-nous honte aujourd'hui de nos prisons. Le XIXe siècle, lui, était fier des forteresses qu'il construisait aux limites et parfois au cœur des villes. Ces murs, ces verrous, ces cellules figuraient toute une entreprise d'orthopédie sociale.
Ceux qui volent, on les emprisonne ; ceux qui violent, on les emprisonne ; ceux qui tuent, également. D'où vient cette étrange pratique et le curieux projet d'enfermer pour redresser, que portent avec eux les Codes pénaux de l'époque moderne ? Un vieil héritage des cachots du Moyen Âge ? Plutôt une technologie nouvelle : la mise au point, du XVIe au XIXe siècle, de tout un ensemble de procédures pour quadriller, contrôler, mesurer, dresser les individus, les rendre à la fois « dociles et utiles ». Surveillance, exercices, manœuvres, notations, rangs et places, classements, examens, enregistrements, toute une manière d'assujettir les corps, de maîtriser les multiplicités humaines et de manipuler leurs forces s'est développée au cours des siècles classiques, dans les hôpitaux, à l'armée, dans les écoles, les collèges ou les ateliers : la discipline.
La prison est à replacer dans la formation de cette société de surveillance.
La pénalité moderne n'ose plus dire qu'elle punit des crimes ; elle prétend réadapter des délinquants. Peut-on faire la généalogie de la morale moderne à partir d'une histoire politique des corps ?
Depuis le Siècle des lumières, les progrès de la raison et de la science auraient contribué à l'émancipation de l'humanité. Michel Foucault récuse ce lieu commun : il conçoit la modernité comme l'âge des sociétés disciplinaires, l'âge des prisons où, à l'instar de l'école et de l'armée, on enferme pour redresser.
Les sciences de l'Homme (sociologie, psychologie, psychiatrie) elles-mêmes constituent l'instrument privilégié de ce nouveau pouvoir disciplinaire. L'homme devient objet de science pour être mieux assujetti. Derrière le désir désintéressé de savoir, Foucault décèle une volonté de pouvoir. Si le projet d'un Descartes à l'âge classique était de "nous rendre comme maître et possesseur de la nature" grâce aux progrès de la physique, l'ambition implicite des sciences humaines serait de nous rendre maître de l'homme.
L'analyse des techniques modernes d'assujettissement - notamment en prison, institution type où se révèle cette articulation savoir/pouvoir - est ici étayée par de nombreux documents d'archives qui confèrent à cet ouvrage un intérêt historique aussi bien que philosophique.