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Foucault (Michel) > Les mots et les choses

Présentation

Michel Foucault, Les mots et les choses, Gallimard, 1990.

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L'Archéologie du savoir (1969) : entreprise amorcée par Michel Foucault (1926-1984) avec l'Histoire de la folie à l'âge classique (1961), poursuivie dans Naissance de la clinique (1963) et continuée par une « archéologie des sciences humaines », Les Mots et les choses (1966). 1970, élu au Collège de France où il occupa jusqu'à sa mort la chaire d'histoire des systèmes de pensée.
Les Mots et les Choses valut à Michel Foucault une réputation internationale. Ensuite, ses autres ouvrages ne feront que développer une seule et même thèse : celle de la mort de l'homme et de l'humanisme classique qui concevait le sujet pensant comme une exception dans l'ordre de la nature. Avec l'avènement des sciences humaines, l'homme est devenu un objet d'étude au même titre que les phénomènes naturels. Cette objectivation de l'homme a en même temps rendu possible sa maîtrise.
Ainsi, Michel Foucault, parce qu'il nous a délivrés de l'illusion de leur "naïveté positive", a été la mauvaise conscience des sciences de l'homme. Leur élaboration a en effet accompagné le triomphe de cette technique du pouvoir qui consiste à classifier les comportements humains pour mieux les manipuler.
D'un abord plus difficile que la plupart des autres livres de Michel Foucault, Les Mots et les Choses constitue de toute évidence un des grands textes de la philosophie contemporaine dont un lecteur averti ne saurait faire l'économie.

La culture européenne est sans doute la seule au monde qui ait prétendu faire de l'être humain l'objet de ses connaissances et de l'humanisme la forme répétée de ses justifications. Les sciences humaines d'aujourd'hui sont plus que du domaine du savoir : déjà des pratiques, déjà des institutions. Or, le modèle des sciences exactes les obsède, tandis que l'idée d'un homme se libérant à mesure qu'il se connaît mieux passe au rang d'un humanisme usagé. Quel est donc le destin - commun, séparé - de ces " sciences humaines " et de cette idée d'" homme " ? Michel Foucault analyse leur apparition, leurs liens réciproques et la philosophie qui les supporte. C'est tout récemment que l'" homme " a fait son apparition dans notre savoir. Erreur de croire qu'il était objet de curiosité depuis des millénaires : il est né d'une mutation intérieure à notre culture. Cette mutation, Michel Foucault l'étudie, à partir du XVIIe siècle, dans les trois domaines où le langage classique - qui s'identifiait au Discours - avait le privilège de pouvoir représenter l'ordre des choses : grammaire générale, analyse des richesses, histoire naturelle. Au début du XIXe siècle, une philologie se constitue, une biologie également, une économie politique. Les choses y obéissent aux lois de leur propre devenir et non plus à celles de la représentation. Le règne du Discours s'achève et, à la place qu'il laisse vide, l'" homme " apparaît - un homme qui parle, vit, travaille, et devient ainsi objet d'un savoir possible. Dans le rapport nouveau des Mots et des Choses, l'" homme " trouve le lieu de sa naissance. Il ne s'agit pas là d'une " histoire " des sciences humaines ; mais d'une analyse de leur sous-sol, d'une réflexion sur ce qui les rend actuellement possibles, d'une archéologie de ce qui nous est contemporain. Et d'une conscience critique : car le jour, prochain peut-être, où ces conditions changeront derechef, l'" homme " disparaîtra, libérant la possibilité d'une pensée nouvelle.

> Notes hétéroclites
L'archéologie pratiquée par Foucault = mise au jour des couches sédimentaires d'un savoir que l'on tient pour constitué sous l'égide du sujet, et qui est en fait un « champ d'historicité [...] libre de toute activité constituante, affranchi de toute référence à une origine ou à une téléologie historico-transcendantale, détaché de tout appui sur une subjectivité créatrice » => déchiffre textes pour y déceler une pluralité de niveaux, interroge discours pour y découvrir les mouvements secrets de la pensée.
1.  Un nouveau discours de la méthode : ≠ traditionnelle histoire des idées
L'Archéologie du savoir = opération de décentrement ++. Culture humaine comme réseau stable de causalité, cohérente, continue, homogène ≠ histoire générale pensée en termes de séries disjointes et déployant l'espace d'une dispersion. À l'analyse, qui privilégie les catégories recueillies chez Gaston Bachelard, Georges Canguilhem, Martial Guéroult – seuils, ruptures, mutations, séries limitées, systèmes indépendants –, s'oppose toujours hélas l'habituel mode d'appréhension du réel référant la totalité de l'histoire humaine à l'activité synthétique du sujet. Pour en finir avec les téléologies et les usages idéologiques de l'histoire, une nouvelle codification méthodologique est donc nécessaire. 1ère partie : étude des formations discursives, le discours est interrogé sur les conditions de son apparition, les règles de sa formation et celles de sa transformation ; 2ème partie, systèmes d'énoncés, articulés selon des a priori historiques, que Foucault appelle archive – terme qui désigne à la fois la loi de ce qui peut être dit et « ce qui [...] d'entrée de jeu définit le système de son énonciabilité ». 3ème partie ordonne ce qui vient d'être mis en chantier – notions (formations discursives, archive), domaines (énoncés, pratiques discursives), méthode, « description archéologique », préalablement disjointe de la traditionnelle histoire des idées.
2.  Une théorie générale de la discontinuité
Analyse archéologique ≠ histoire des idées. Archéologie = « tentative pour faire une tout autre histoire de ce que les hommes ont dit », récuse postulats & procédures de l’histoire des idées, dont les grands thèmes – genèse, continuité, totalisation – sont des développements reconstitués dans le cadre d'un devenir linéaire. Ce programme n'est pas séparable des changements qui parallèlement ont affecté la façon de penser et d'écrire l'histoire : les traditionnels découpages temporels et les enchaînements classiques de faits ont fait place à des distributions sérielles. Extension de l'analyse structurale à tous les secteurs de la connaissance. Dans l'ensemble des sciences humaines et sociales, on s'est appliqué à défaire les liaisons artificielles, à dissiper les complicités imaginaires, à rompre d'illusoires continuités, pour construire à nouveau frais des rapports, constituer des unités nouvelles, élaborer des séries. L'Archéologie du savoir = mise en forme d'une théorie générale de la discontinuité. La discontinuité s'y trouve conceptualisée, explorée, au même titre que la différence et la dispersion, entraînant la destitution du sujet – simple « déchirure dans l'ordre des choses » –, qui a échoué à les penser = « la discontinuité anonyme du savoir ». En se proposant de faire l'inventaire des procédés qui, dans toute société, contrôlent la production des discours, Foucault étend son entreprise de reconstitution des clivages à la société disciplinaire. 1971, fonde, avec Jean-Marie Domenach et Pierre Vidal-Naquet, le G.I.P. (Groupe d'information sur les prisons). 1975, Surveiller et punir. Naissance de la prison, description du pouvoir punitif et carcéral + généalogie morale moderne.