Corps écrit

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Garate-Martinez (Ignacio) > Le duende
Jouer sa vie suivi de Jeu et théorie du duende, Federico Garcia Lorca

Présentation

Ignacio Garate Martinez, Federico Garcia Lorca, Le duende, jouer sa vie, suivi de Jeu et théorie du duende, Encre Marine, 2005.

> Présentation de l'éditeur
LE DUENDE... Où est le duende ? À travers l'arche vide passe un vent de la pensée qui souffle avec insistance sur les têtes des morts, à la recherche
de nouveaux paysages et d 'accents ignorés : un vent qui fleure la salive d'enfant, l'herbe broyée et le voile de méduse, qui annonce le baptême perpétuel des choses qui viennent d'être créées. (Federico Garcia Lorca)
LE DUENDE dort tapi en sa demeure, il est comme mort, là où siègent les viscères, ivre de sang, intoxiqué d'arômes et d'humeurs, vivant la vie du
dedans, comme un déchet. Soudain, quelque chose le touche, quelqu'un qui tente de parler ne peut le faire et, sans rien dire, s'en va chercher les mots du corps, dans un dédale. Au détour de ses tours il touche au duende, mais gare à son éveil, il peut détruire : si le déchirement n'est pas mortel, il sera le facteur véritable de tout ce qui, d'humain, dans l'agonie d'un désir, fait vérité, et dans un jaillissement fugace, produit cet art différent, hors technique académique, c'est-à-dire bien au-delà de la muse et de l'ange, et qui est en rapport étroit avec les marécages de la mort.

> Mes notes fébriles et subjectives

F. GARCIA LORCA Jeu et théorie du duende
• Les jours où je chante avec du duende, il n’y a personne qui puisse m’égaler
• Bach, ça a du duende, mais pas Brahms ou Glück
• Tout ce qui a des sons noirs a du duende. « Ces sons noirs sont le mystère, les racines qui se plantent dans le limon que nous connaissons tous, que nous ignorons tous mais d’où nous parvient ce qui est substantiel dans l’art. »
• Goethe définissant le duende de Paganini : « pouvoir mystérieux que tous ressente et qu’aucun philosophe n’explique. »
• Le duende n’est pas dans la gorge. Le duende monte du dedans, depuis les plantes des pieds.
• Le duende n’est pas affaire de faculté, mais de véritable style vivant. C'est-à-dire dire de sang, de culture vieillissime, de création en acte.
• Le duende, obscur et frémissant, est le descendant du très joyeux démon de Socrate
• Tout artiste, quelque degré qu’il gravisse dans la tour de sa perfection, c’est au prix de la lutte qu’il soutient avec son duende, pas avec son ange, ni avec sa muse. L’ange éblouit, répand sa grâce et le travail de l’homme est facile ; la muse souffle et dicte, elle éveille l’intelligence qui est l’ennemie de la poésie. L’ange et la muse viennent du dehors ≠ le duende vient du dedans. Il faut l’éveiller dans les dernières demeures du sang. La lutte véritable se livre avec le duende.
• Pour rechercher le duende, pas de carte et pas d’exercice. Il brûle le sang, il épuise, il brise les styles, il s’appuie sur la douleur humaine inconsolable.
• Les gds artistes du flamenco savent qu’aucune émotion n’est possible sans l’advenue du duende. Mais ils peuvent tromper leur monde et feindre un semblant de duende, mais on flaire l’artifice grossier.
• Parvenir à tuer tout l’échafaudage de la chanson pour livrer le passage à un duende furieux et assujettissant qui fait que les auditeurs déchirent leurs vêtements.
• Pas des formes mais de la moelle de formes, musique pure avec un corps succinct pour pouvoir tenir dans l’air. L’artiste doit appauvrir ses facultés et son assurance, éloigner sa muse et rester désemparé pour que le duende vienne et daigne lutter à s’en casser les bras.
• La venue du duende présuppose toujours un changement radical de toutes les formes. Sur les vx plans, sensation de fraîcheur totalement inédite, qui provoque un enthousiasme presque religieux.
• Communication avec Dieu à travers les 5 sens, grâce au duende.
• Lorsque cette évasion s’effectue, ses effets sont éprouvés par tous
• Le style triomphe d’une manière pauvre ≠ duende (= je ne sais quoi d’une émotion authentique)
• Tous les arts sont capables de duende, mais il s’exprime mieux dans la danse, la musique, la poésie parlée, car elles sont interprétées par un corps vivant.
• Certains artistes possédés du duende recherchaient des œuvres ratées ou médiocres pour les faire triompher. Ils donnaient quelque chose de nouveau qui n’avait rien à voir avec ce qui précédait, et qui animait des corps vides d’expression.
• Tous les arts et tous les pays sont capables de duende, d’ange et de muse
• La muse et l’ange ont peur de la mort, mais le duende n’advient que s’il perçoit la possibilité de la mort (Leiris, risque, danger, ne serait-ce que l’ombre de la corne du taureau).
• Avec de l’idée, du son ou du geste, le duende se plaît dans les bords du puits en lutte franche avec le créateur. Le duende blesse, et c’est dans la guérison de cette blessure, qui ne se referme jamais, que se trouve ce qu’il y a d’insolite, d’inventé dans l’œuvre d’un homme.
• La vertu magique du poème est d’être toujours possédé du duende, avec du duende, on est certain d’être aimé, d’être compris.
• Le duende aime le bord de la blessure
• Le duende donne les meilleures rages, les meilleures amertumes, les meilleures plaintes. Personne ne s’amuse dans la danse espagnole ni aux combats de taureau. Le duende se charge de faire souffrir en versant du drame sur des formes vives, et il prépare les échelles pour s’évader de la circonférence de la réalité.
• Le duende ne répète pas, ne se répète jamais, de même qu’on ne peut pas répéter les formes que prend la mer dans la bourrasque
• Le torero qui effraie le public dans l’arène par sa témérité ne torée pas. Car il est ridicule et à la portée de tout homme de jouer sa vie. ≠ alors que le torero mordu par le duende donne une leçon de musique pythagoricienne et fait oublier qu’il lance constamment son cœur sur les cornes. Le duende est au maximum dans les corridas car il doit lutter d’un côté contre la mort qui peut le détruire, et de l’autre contre la géométrie et la mesure. On peut avoir de la muse avec la muleta, de l’ange avec les banderilles. Mais dans le travail de la cape, avec le taureau encore vierge de blessures, et au moment de la mise à mort, il faut du duende pour trouver le centre de la vérité artistique.
• Étym. Dominus. Ce seigneur de ma demeure qui est + maître que moi me parle d’une vérité que la réalité, c'est-à-dire la raison, calomnie.
• Le duende devient le maître du corps en Espagne, mais pas comme un diable possesseur. Le duende dort tapi en sa demeure, comme un viscère endormi, ivre de sg, vivant la vie du dedans comme un déchet. Soudain quelque chose le touche et s’en va chercher les mots du corps dans un dédale. Mais attention au réveil du duende, il peut détruire. Si le déchirement n’est pas mortel, il sera le facteur véritable de tout ce qui, d’humain, fait vérité, et dans un jaillissement fugace produit un art ≠, hors technique académique, donc loin de la muse et et de l’ange, et qui est en rapport étroit avec les marécages de la mort. J’ai pu me faire désert et lui céder la place.
• Le duende paraît « Lorsque tu sens que plus rien ne peut être plus important, en cet instant, que d’être là. »
• Duende car on n’apaise surtout pas le doute et la douleur par le plaisir de l’intelligence.