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Poulain (Jacques) > De l'homme. Éléments d'anthropobiologie philosophique du langage
Poulain (Jacques) > De l'homme. Éléments d'anthropobiologie philosophique du langage

Présentation

Jacques Poulain, De l'homme. Éléments d'anthropobiologie philosophique du langage, Editions du Cerf, 2001.

> Description
L'homme est le seul être vivant qui ait besoin du langage pour vivre : il ne peut voir, agir et penser sans y avoir recours. Se voit ainsi résolue l'énigme que l'homme a toujours représentée à ses propres yeux car l'usage des sons engendre aussi bien le psychisme humain que les institutions. Prêtant sa parole au monde, l'être humain fait de chaque expérience une sorte de communication et lui subordonne l'usage de la main et celui de l'œil.

Tout en proposant ainsi une clef du fonctionnement du psychisme et des institutions humaines, le présent ouvrage dégage également ce qui a condamné l'histoire moderne à l'échec. L'homme ne peut tenter de se transformer directement lui-même sans se heurter aux limites que lui impose cet usage de la parole. Il ne peut se transformer lui-même qu'indirectement : en soumettant son action et son désir au jugement de vérité comme il lui soumet sa connaissance.

C'est là que s'origine la fameuse révolution copernicienne que la modernité a opérée dans les sciences. Le langage doit en effet sa puissance d'orientation à la conscience d'écoute qui lui est inhérente, car celle-ci engendre perceptions, pensées, actions et désirs au filtre du jugement. La fonction de régulation que l'écoute de vérité a dans la vie humaine lui est ici restituée, ainsi que sa puissance critique. Ces éléments d'anthropobiologie du langage rendent ainsi à chacun l'accès à sa faculté philosophique de juger.

> Extrait de L’identité philosophique européenne
[La fragilité humaine n'est pas pour autant la conséquence de la néoténie ; la fragilité de notre identité est liée à l'expansion communicationnelle, puisque c'est dans le dialogue que nous nous faisons exister mutuellement.]
Comme A. Gehlen l’avait indiqué dans Der Mensch, l’homme naît comme avorton chronique qui a besoin du langage pour coordonner l’usage de ses organes sensoriels à ses organes moteurs, l’usage de la vision à celui du toucher. Sans langage, il demeure un hiatus, accumulation d’énergie et d’incitation au mouvement, source d’angoisse également puisqu’il ne sait pas à quel acte passer : il est incapable de voir, de bouger, d’agir. Il ne reçoit que des intensités sensorielles ne déterminant aucune perception, aucune connaissance (…). Né un an trop tôt, il lui manque ces coordinations héréditaires à l’environnement car il ne possède que les instincts intraspécifiques (nutritionnels, sexuels, agressifs). Il doit construire son monde visuel, son monde moteur et son monde consommatoire, en les faisant parler (…) De même que l’homme a besoin des mots pour pouvoir voir les choses, le monde, les autres et lui-même; de même, il doit les utiliser pour objectiver ses désirs, les reconnaître comme réalités ou non et identifier les moyens de les satisfaire. Comme il doit juger ses descriptions du réel pour savoir si elles sont vraies ou fausses, de même, il doit juger ses expressions de désirs et d’actions qu’il n’a pas pu ne pas penser être pour avoir pu les penser (…). La loi de vérité, la nécessité de penser vraie une proposition pour pouvoir la penser, repose sur la conscience de parole.»

Jacques Poulain, L’identité philosophique européenne, L’Harmattan, 1993, pp. 16-21.

Voir Néoténie