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Opéra sérieux
Régine Detambel
Opéra sérieux
Actes Sud
Téléchargeable PDF, ePub

Date de parution : 2012
10,99 €
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Présentation

> Résumé
Fille du ténor préféré du compositeur Janáček, Elina Marsch, née en 1926 dans une famille juive, grandit en compagnie des maîtresses de son père, cantatrices célèbres dont elle apprend l’art de la séduction et tout un répertoire d’airs de folie et de mort avant de connaître les vicissitudes de la guerre et ses horreurs et de s’enfuir en Amérique. Roman de la voix divine qui fascine, apaise ou terrifie, Opéra sérieux fait entendre le chant même des lointaines Sirènes.

> Détails

Elina Marsch est la fille du ténor préféré du compositeur Janacek. Juive née en 1926, elle connaîtra les vicissitudes de la guerre et ses horreurs, avant de s’enfuir en Amérique. Nature fragile et mystérieuse, Elina grandit en compagnie des maîtresses de son père, cantatrices célèbres dont elle apprendra l’art de la séduction et tout un répertoire d’airs de folie et de mort.
Mais plus que l’histoire d’Elina Marsch, Opéra sérieux est le roman de la voix d’Elina, d’une voix qui fascine, apaise ou terrifie. De cours de chant en premiers concerts, son jeune organe doit d’abord se plier à un rigoureux travail de discipline technique, où il puisera les plus envoûtants de ses sortilèges.
Car la jeune femme a bien une voix divine. Par le cristal de ses aigus, cette diva fera tomber à genoux les amateurs d’opéra, elle les séduira, elle les ensorcellera. Et son chant pourrait bien se révéler aussi dangereux que celui des Sirènes, signant la perte des marins malheureux qui succombaient à leur appel.
La voix humaine reste un grand mystère. Qu’est-ce que cette vapeur qui séduit ? Qu’est-ce que cette chose sexuée que nous proférons, cette pulsion de vie ou de mort que nous portons au devant de nous, vers les autres ? Comment les Sirènes tuaient-elles ? Quelles énigmes de vie ou de mort recèlent les voix, tantôt cruelles, tantôt consolatrices ?

> Extrait
"Il n’est de voix divine que de femme. Et même en ce siècle de putréfaction de la métaphysique, la petite n’en est jamais privée parce que les maîtresses du ténor Marsch, toujours le chant aux lèvres, ne cessent pas de lui faire entendre la partition paradisiaque qui berce les enfants dans l’unique membrane des ventres, son toucher immatériel, son art d’effleurer, son contact plus léger qu’une tangence. Nuit et jour la maison résonne des sons minces et graciles de leur voix de tête penchée sur le petit lit, que la gosse s’empresse de convertir en l’appel fascinant du ventre de la morte, sachant bien qu’elle joue avec le feu, les petits enfants sont des risque-tout, toujours sur le fil du délicieux rasoir de se perdre dans des retrouvailles perpétuelles avec le Ventre, de s’enclore de nouveau, de se diluer, de s’abolir dans les vibrations qui viennent de la gorge comme d’une poche ardente.
De ce côté-là, impossible de trouver plus cuisant et plus accueillant à la fois que la berceuse absurde et effrayante du chant de mort d’Isolde. Le coeur de la petite se met à battre dans sa tête, elle est saisie d’une sorte de vertige, sa bouche s’entrouvre sur ses incisives encore dentelées, et en même temps une énorme tranquillité. La chambre s’obscurcit, elle est heureuse comme si elle était déjà morte. Son petit lit, la fenêtre, le coffre à poupées, le chien Zapf, elle ne les voit pas de ses yeux, c’est une voix, une voix douloureuse et très haute qui suscite en elle ces images, une voix captivante où il n’y a rien à comprendre, dont il n’y a rien à conclure.
Le temps ne passe plus. Le temps est figé. La petite s’est dessiné une montre sur le poignet. Le temps égrène des minutes de chair pure. Car la voix qui monte de ses fonds a été créée pour altérer, séduire, empoisonner, pour tuer sans laisser de traces. Elle la fait tomber à genoux avec un coup au coeur, et malgré tout pleurant de pures larmes de plaisir insensé et de joie."