Corps écrit

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Noël (Bernard) > Les états du corps

Présentation

Bernard Noël, Les états du corps, Fata Morgana, 2000.

> Mes notes pour un entretien avec Bernard Noël et James Sacré, à la bibliothèque de Cergy. Eloge de l’autre : carrefours, croisements, métissages

« Toi, qui que tu sois, je te suis plus bien proche qu’étranger » (Andrée Chédid)
la poésie nous révèle cette vérité première : tout ce qui nous apparaît autre, étranger et lointain, est une part de notre propre mystère. Si la langue du poème nous dépayse, c’est pour nous rendre désirable l’inconnu, l’inconnu qui nous entoure et celui qui nous habite. « Je est un autre » disait Rimbaud. Tout poème est une adresse à l’autre, une invitation à sortir de notre « étroite peau » dit encore Andrée Chédid, pour nous donner à la rencontre, à ce partage des différences qui seul donne sens à la communauté humaine.

Poète-plasticien du langage
Manipuler une pâte verbale, la « pâte-mot ».
Physicien du langage, jouer avec son babil comme avec une pâte verbale où le sens est comme à l’état sauvage. Percevoir dans les mots remuement sonore et rythmique, bruissant en eux indépendamment de tout vouloir-dire, « sorte de langue étrangère ». opération d’ensauvagement, « d’estrangement » de la langue. Andrea Zanzotto parlant du langage des nourrices à l’usage des nourrissons, « langue qui monte comme un lait ».

James Sacré : « un livre qui ne serait pas une description, ni l’explication d’aucun mystère, mais la continuation de ce que c’est vivre en aller retour du cœur entre le monde et les mots. »
Sacré : « Un livre est une légère machine d’existence pour aller mourir sans avoir peur.
Le fil qui tient ensemble les poèmes est plus qu’une trame textuelle : « Un fil pour tenir tout autre chose qu’une histoire. On se demande un peu quoi. On imagine que c’est seulement pour que tout se défasse pas en poussière tout de suite. »

Aujourd'hui attention particulière à nouer le vivre et l’écrire. Recherche d’une possible habitation poétique du monde.

Merleau-Ponty : « Notre expérience, plus vieille que toute opinion, est celle d’habiter le monde par notre corps. » (Le Visible et l’invisible, Gallimard, 1964, p. 48.) Rien ne peut être pensé séparément de l’opacité de l’ancrage corporel et de l’appartenance profonde au monde de la vie. Par son corps, l’existant plonge dans l’immémorial d’une chair du monde, en même temps qu’il se singularise. Dans Soi-même comme un autre, Ricoeur précise que cette « condition corporelle et terrestre » est le présupposé ultime de toute fiction littéraire.
Bonnefoy : la langue du poème fait que « notre corps peut venir à la rencontre du monde, à ce niveau élémentaire, antérieur aux notions, où ce monde est précisément totalité, unité. » (« Poésie et vérité », in Entretiens sur la poésie, p. 262.)

tissage métaphorique.
Nabokov : l’acuité du voir (cette « étincelle sensuelle ») est indissociable de la vue troublée du « voir-comme » métaphorique.

Matérialisme poétique de Francis Ponge
« Le poète est un ancien penseur qui s’est fait ouvrier. » (Ponge) Maldiney Le Vouloir dire de Francis Ponge : habiter le monde, c’est toujours déjà habiter la langue, le poète est celui qui se porte aux limites du sens, celui qui tente de retrouver « la turbulence première » de la matière et du langage.

Mallarmé : « Toute âme est un nœud rythmique »

Lyrisme
En atteignant un état « chantant » de la parole, la poésie lyrique accomplit le langage, maximalise son énergie, le fait être pleinement en acte (énergeia), et ainsi le rend mieux à même d’agir sur le lecteur en touchant au « nœud rythmique » en quoi consiste selon Mallarmé, toute existence. » (Léopardi)