Un peu de théorie

Un peu de théorie

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Se contraindre pour déborder mieux

Présentation

Un jour, on m’a demandé d’écrire sur l’Église Saint-Joseph Travailleur, qui se trouve en Avignon, et a été construite de 1967 à 1969. Son architecte était Guillaume Gillet. J’ai commencé ainsi : « La beauté naît souvent d’une contrainte et nombre d’entre nous — même ceux qui ne sont pas artistes, même ceux qui ne sont pas architectes— sont pourtant obligés dans la vie, bon gré mal gré, de faire d’une difficulté technique un ornement architectural. La forme de l’église Saint-Joseph Travailleur, c’est le terrain qui l’a dictée, un terrain contraignant comme le furent, à une autre époque, les règles du sonnet. Un terrain avec ses reliefs aveugles, ses limites arbitraires, son incohérence de parcelle de ville. Il n’empêche que l’église est née malgré cet obstacle, je dirais plutôt grâce à lui. Son originalité, il est clair qu’elle la doit AUSSI aux difficultés rencontrées par l’architecte. »
L’écrivain est quelqu’un qui ne trouve pas ses mots, alors il cherche et en cherchant il trouve mieux. Voilà ce que dit l’écrivain, en l’occurrence Paul Valéry. Il trouve mieux, parce que, grâce à la contrainte, il déborde. Et l’architecte, en l’occurrence Le Corbusier, dit : « Avec des matériaux inertes, sur un programme plus ou moins utilitaire que vous débordez, vous avez établi des rapports qui m’ont ému. C’est l’architecture. »
Voilà peut-être comment introduire le mot de contrainte en atelier. On peut l’appeler combinatoire, règle de l’art, méthode de recherche ou recette, mais il faut sans cesse garder à l’esprit qu’elle a peut-être moins à voir avec la littérature et l’art qu’avec la résistance des matériaux, la fonderie, l’élasticité, la déformation des roches, la superplasticité des métaux et l’aérodynamique.