Un peu de théorie

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Métaphores vives

Présentation

Métaphores vives

L’atelier a son ennemi héréditaire : le cliché. Il n’est pas simple de définir un cliché. En théorie, les clichés sont des images au repos, bien constituées et trop bien définies, qui ont perdu leur pouvoir imaginaire. En quelque sorte, de vieux beaux, de grands rivaux gominés, toujours prêts à séduire avec des trucs centenaires. L’atelier se donne pour tâche d’inventer d’autres images, des images toutes neuves celles-là, et vivantes de la vie du langage vivant. Cette fabrication est inaccessible à nous-mêmes, transcendante à nous-mêmes. Notre volonté ne la décide pas. Et pourtant, c’est là le vrai travail de celui qui écrit, presque la seule référence qu’on exige de lui, son seul talent obligé, car l’absence de cette aptitude-là est rédhibitoire. Elles donnent, ces images littéraires, disait Bachelard, « une espérance à un sentiment, une vigueur spéciale à notre décision d’être une personne, une tonicité même à notre vie physique. » L’image littéraire n’est pas seulement un mot juste, c’est un son clair, peut-être même un parfum. Et, j’irai plus loin, une phéromone. Le transfert d’informations par signaux chimiques est courant chez les êtres vivants. Pourquoi ne pas imaginer l’image littéraire comme une substance (ou un mélange de substances) qui, après avoir été sécrétée par un individu émetteur, est perçue par un individu récepteur chez lequel elle provoque une réaction comportementale spécifique ? Quoi qu’il en soit, quand l’atelier l’entend, cette image littéraire neuve, quand il la flaire, la lit, la sent ou la reçoit, aussitôt son bonheur se manifeste gestuellement, comme si cette image était un cadeau d’amant ou de mère à son nourrisson. Les mains se frottent, les genoux se décroisent, on change de position, les sourires naissent sur des visages de vrais goûteurs, les nez se froncent et enfin on respire.