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50 histoires fraîches
50 histoires fraîches
Gallimard

Date de parution : 2010
ISBN : 978-2-07012-673-6
14,30 €
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Description

50 histoires fraîches, autant de petits riens qui résonnent profondément. Une femme entre en conciliabule avec elle-même dans les miroirs d'un supermarché, des paysans rêvent à la solitude des pôles, un laveur de carreaux entrevoit l'existence de Dieu, un vieil homme partage sa maison avec un arbre...
Ce que Régine Detambel appelle fraîcheur, c'est une matière brute, sortie de l'expérience humaine et livrée ici comme un témoignage émerveillé de ce que peut le quotidien.

Natacha Andriamirado, La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mai 2010.
Le sourire de Régine Detambel

Retrouver l'immédiat, le capter au travers de textes brefs retraçant les moments fugaces de notre quotidien. Il y a dans ces cinquante histoires fraîches une énergie et une intensité du récit qui nous mènent à une seule et même chose : la rencontre de véritables personnages.


Il n'y aura pas de "grands sujets". Pas de guerre, pas de drames sociaux, pas de révolution. Pas d'Histoire. Il n'y aura que des "petits riens", de simples histoires quotidiennes vécues au travers de corps, de souvenirs d'enfance, de rêveries adolescentes, de la vieillesse, de couples, d'attentes vaines, d'amours défaites, d'ennuis.
Le corps, la grande affaire de Detambel. Mais l'interrogation qu'elle ne cesse de susciter est telle que réduire l'auteur à ses thèmes de prédilection serait bien dommage. 
Quel corps pour quelle vie ?

Il y a ce corps "mis à sac" chez deux accidentés de la route qui partagent la même chambre dans une clinique. L'un d'eux "le plus amoché" est un "seigneur de la vie, qui souffre pour rien, par pure générosité". Mais il va être amputé et a besoin de parler avec son voisin de chambre. Ce dernier qui n'est plus que "dos et crampe dans les mâchoires à force de serrer" se sent vraiment incapable même de mimer la bonté, l'attention, la charité". Les mots de réconfort ne viendront donc pas. Seul un tonitruant "ta gueule" accompagnera le futur amputé.

Il y aussi ce corps d'un auteur pour qui "le mot est une foulée" et qui ne conçoit pas d'écrire sans "une tachycardie d'effort", "tremplin furieusement vivant pour contraindre l'esprit, pour obliger l'inspiration à venir".

Plusieurs histoires mettent d'ailleurs en scène l'écrivain et son environnement : mais plus qu'un questionnement sur l'écrivain en particulier, c'est une interrogation sur la force du Verbe qui jalonne toute l'oeuvre.

Un homme vit avec sa femme écrivain et se dit "jaloux de cette poésie qu'elle fait dans son lit". Car cette femme a choisi d'écrire dans leur chambre. Les draps sont tachés d'encre et la femme "perd de soi-même partout". L'amour avec les mots. Le compagnon qui ne se sent "même pas un homme, moins qu'un enfant" et qui n'est jamais attendu par celle qu'il aime n'a qu'une seule fonction : celle de relire les feuillets que sa femme lui tend. "Je suis le singe de l'encre" dit-il.

Une adolescente de treize ans écrit son premier poème. A sa lecture, sa propre mère s'est inquiétée de son état psychique. Depuis, la fille a écrit des livres. Et la mère ne le supporte pas : "Son regard sur nous est insupportable." Transformée dans les livres "en marâtre", la mère n'est plus sujet mais objet. "Détrousseuse de cadavres encore chauds ! Les livres de ma fille font de nous, en vérité, des moyens, des objets."

Un homme à la mort de celle qu'il aime a le choix entre se suicider ou "quelque chose d'encore plus désagréable, la relecture de ses journaux intimes". Il choisira la chose la plus désagréable et sera ainsi amené à corriger tout le style de sa vie. Quel rêve ?

Un adolescent de quatorze ans rêve de tout plaquer pour aller toréer. Son beau-père ne veut pas en entendre parler. Le rêve ne sera pas.

Quel amour ? Une femme est au restaurant avec son amant dont elle se croit follement éprise. Mais ce soir-là, elle va en réalité observer d'un oeil nouveau cet homme "avec qui elle couche trois soirs sur sept" et qui est tout occupé à manger un os à moelle : "dans son érotisme médullaire, je perce à jour ce gardien de bestiaux, ce faux nomade, incapable de la subtilité de la caresse".

Lorsque le rêve n'est plus, lorsque la réalité prend le dessus, lorsque la création est absente, reste quand même l'ennui. Cet entre-deux où tout peut encore se jouer, c'est l'ennui des plus jeunes dans une salle de classe ou celui d'un homme et d'une femme qui "font l'amour pour tuer le temps, en attendant le bonheur".

Ces cinquante histoires sont courtes et brèves comme autant de récits "bruts" dont il convient, à nous lecteurs, de donner forme.

Les textes sont aérés. Place au silence.
La langue est belle. Place au charnel.

Amoureuse des mots comme amoureuse des êtres, Régine Detambel s'efface si bien derrière ses personnages que la rencontre lecteurs/personnages a véritablement lieu. Ces êtres-là vivent. A notre imagination de les accueillir.

Qui est cette vieille femme qui plante des lauriers-roses "partout où il y a un peu de terre" et qui "sait jouir même du désespoir" ? Arpentant la ville et la banlieue et jugeant que "la cité mourait par manque de couleur", "elle avait résolu de remédier à cet état de choses".

Comment ne pas avoir envie de rencontrer ce vieil homme "complètement sourd" depuis la perte de sa femme mais en réalité "fermé à tout ce qui n'est pas bruissement de feuilles" ? Se définissant comme un sage chinois, l'homme écoute chaque arbre, les enlace, les caresse et partage maintenant sa maison avec un figuier.

Rencontres de l'instant même, du furtif, de l'immédiateté vécue par tout un panel d'êtres vivants de l'enfance à l'âge tendre.

Le quotidien est à recréer. La poésie est à portée de main. Le sourire de Régine Detambel n'est pas loin. Le nôtre avec. Et ce n'est pas rien.